Chronique

Guillaume Perret & The Electric Epic

Open Me

Guillaume Perret (sax), Jim Grandcamp (g), Philippe Bussonnet (elb), Yoann Serra (dms, sampler) + Sir Alice (voc), Monica Vannier (voc).

Label / Distribution : Kakoum ! Records

Guillaume Perret le Terrible revient aux commandes de son furieux OMNI (Objet Musical Non Identifié) pour en découdre une fois encore avec des forces mystérieuses ; selon son habitude, ce pyromane des mélodies est armé d’un saxophone caméléon aux couleurs électriques dont la démultiplication a des allures de brasier. Est-ce bien un saxophone, d’ailleurs ? Pas si sûr… A ses côtés, le même équipage qu’en 2012, lors de la publication d’un premier album chez Tzadik, donc avec la bénédiction de John Zorn. Soit un trio surpuissant bien décidé à ne laisser personne lui barrer le passage : Jim Grandcamp (guitare), Philippe Bussonnet (basse) et Yoann Serra (batterie), trois combattants sans peur (et jusqu’à présent sans reproche), au service d’une cause musicale extrême inspirée par un saxophoniste leader habité, prompt à travestir ses textures sonores au moyens d’effets dont lui seul semble détenir le secret. Ainsi donc, Guillaume Perret, non content d’être un musicien transgressif, serait aussi une sorte d’alchimiste, capable de transformer la matière sonore en pépites de feu.

Exit Tzadik et la maison Zorn, cette fois le saxophoniste chausse ses propres bottes de sept lieues et propulse Open Me sur son label Kakoum Records. Direction : la stratosphère, bien sûr ! Car ce quatuor nomade semble disposé à traverser toutes les tempêtes, d’autant qu’il ne se prive pas de montrer ses muscles. Sa musique est un combat. Sur son chemin, les conditions météorologiques sont redoutables et les perturbations atmosphériques nombreuses : les musiciens nous content leur lutte face à des orages de nature à faire valser les étiquettes. L’exercice consistant à risquer une définition d’Open Me est périlleux, même s’il n’est pas interdit de déceler quelques cousinages esthétiques plutôt flatteurs dans ce grand voyage sans frontières. Sur « Brutalum Voluptuous » par exemple : le lyrisme torturé d’une voix parlant à l’envers une langue étrangère évoque les premières heures d’Art Zoyd. La noirceur cyclique de la rythmique renvoie quant à elle au King Crimson de Larks’ Tongues In Aspic. Ailleurs (« Mamuth »), la scansion évoque Magma, dont Bussonnet est le bassiste depuis près de vingt ans tandis que Yoann Serra, de son côté, connaît bien l’univers vandérien puisqu’il a joué avec Offering - le Magma des années 70, celui de « Theusz Hamtaahk ». Et cette ligne de basse qui éveille de lointains « Echoes » de Pink Floyd. Ce prog-zeuhl-noise-jazz-rock peu bavard – les chorus sont rares – a décidément fière allure et son esthétique singulière font d’Open Me un disque d’un seul souffle, d’une élégance glacée, vertigineuse et hypnotique, qui emporte tout son passage, notre adhésion comprise. Les moments de répit sont plutôt rares dans ce tourbillon et si son rythme ralentit de temps à autre, l’inquiétude continue néanmoins à régner au-dessus de nos têtes, y compris quand la mélodie se montre sous un jour plus nostalgique (« Irma’s Room »), avant de lancer de nouveaux appels. Comme s’il fallait rester en alerte, à chaque seconde. Le repos n’est pas de mise, qu’on se le dise.

Guillaume Perret et l’Electric Epic n’y vont pas par quatre chemins, et pour cause : il n’y en a qu’un. Droit devant, compte-tours dans le rouge ! On est même en droit de se demander à quoi ressemblera la prochaine expédition, tant Open Me semble atteindre un point de non retour. Peut-être est-ce là le vrai défi du groupe : avancer, encore et toujours, sans jamais revenir sur ses pas, ni même se retourner. Comme s’il n’existait qu’un seul avenir, loin devant, vers ces espaces inquiets dont les mystères restent à dévoiler. Le temps parlera, c’est tout le mal qu’on souhaite à Guillaume Perret.