Chronique

Hadouk Quartet

Hadoukly Yours

Loy Ehrlich (hajouj, gumbass, yayli tanbur), Didier Malherbe (doudouk, fl), Eric Löhrer (g, banjo, lapsteel, cavaquinho), Jean-Luc Di Fraya (dms, perc, voc).

Label / Distribution : Naive

Il y a de l’augmentation de capital dans l’air du côté de l’entreprise Hadouk ! Steve Shehan a cédé ses parts pour mieux prendre le temps d’explorer les richesses de son instrument fétiche, le hang, en commençant par un album intitulé Hang With You, également publié sur le label Naïve. Le duo restant, composé de Didier Malherbe et Loy Ehrlich n’est pas livré à lui-même pour autant puisque deux nouveaux musiciens entrent dans la danse. Non pour remplacer l’ami américain, mais plutôt pour prendre part à l’élaboration d’un groupe à la coloration renouvelée qui s’inscrit toutefois dans la continuité artistique des précédents albums (sept depuis 1996). Eric Löhrer avait déjà croisé la route d’Hadouk le temps d’une composition d’Air Hadouk, prédécesseur de cet Hadoukly Yours, qui a vu le jour à l’automne dernier. Il s’était par ailleurs illustré avec Malherbe au cours d’une Nuit d’ombrelle aussi intime que vespérale. On connaît le percussionniste Jean-Luc Di Fraya, ex-membre de l’ONJ Tortillier, dont diverses expériences ont affirmé la mélodicité du jeu : un des plus beaux exemples est sa participation aux Vertigo Songs de la pianiste Perrine Mansuy, salué ici-même en 2011. Deux musiciens faussement discrets qui contribuent par leur personnalité attachante à l’évolution en douceur de la musique d’Hadouk : le guitariste, impliqué dans une bonne part des compositions, pousse le quartet vers un jazz tout en nuances, alors que Di Fraya, dont la pulsation révèle la félinité, l’entraîne vers les hauteurs de son chant. Car ce dernier est aussi chanteur, et sa voix gracile, qui peut surprendre dans un premier temps, contribue à l’instauration de climats aériens dont l’accord avec l’esprit Hadouk semble ici naturel.

On apprécie depuis près de vingt ans la tonalité onirique et rêveuse d’Hadouk ; ses balades sont les carnets de bord d’une invitation au dépaysement, jamais bien loin du désert et de ses caravanes indolentes. Cette nouvelle mouture préserve l’identité d’une formation que distingue singulière sa passion pour les mélodies ondoyantes - et habitées d’humour (Malherbe endosse volontiers sur scène le costume du maître de cérémonie qui sait mettre le public de son côté). Rappelons que cette « marque de fabrique » tient pour l’essentiel aux sonorités conjuguées du doudouk [1] de Didier Malherbe et du hajouj [2] de Loy Ehrlich. Une combinaison inédite qui a valu son nom au groupe, on l’aura deviné, mais aussi une renommée qui ne s’est jamais démentie. Et si Hadoukly Yours ne bouleverse pas la grammaire du groupe – ce que personne ne réclame, du reste – il marque une inflexion et un enrichissement de son vocabulaire. Il se présente comme une huitième pièce à conviction à verser au dossier d’un groupe compagnon, une sorte d’ami de la famille. Et c’est très bien ainsi.

par Denis Desassis // Publié le 7 avril 2014

[1Flûte arménienne, en abricotier, à anche double.

[2Luth basse gnawa à trois cordes en boyaux de chèvre tendues au-dessus d’une peau de chameau couvrant la caisse de résonance.