Chronique

Heavy Spirits

Momentum

Gershwin Nkosi (cnt), Mokowe Mashiane (as), Paul Vranas (ts), Vincent Molomo (elb), Garland Selolo (dr) et Marcus Wyatt (bugle), Tlale Makhene (perc).

Label / Distribution : Sheer Sound

Heavy Spirits, fanfare sud-africaine d’Atteridgeville, est déjà connue des lecteurs de Citizen Jazz pour  ! Rendez-vous, son disque avec La Campagnie des musiques à ouïr. Momentum, premier album d’Heavy Spirits (2001), n’a été publié qu’en février dernier en France, le catalogue du label sud-africain Sheer Sound n’ayant été distribué par Abeille Musique qu’à partir de l’été 2004.

Fidèle à l’esprit des « brass bands », Heavy Spirits est un quintet sans piano qui reprend certains traits caractéristiques du genre : thèmes annoncés à l’unisson (« The Seeker », « This Time »), rythmes chaloupés (« Momentum », « Transition », « Calcutta »), motifs de basse répétitifs (« The Quest »), chœur des soufflants entre les solos (« This Time »).

Tantôt majestueux (« Consequence », « Oasis »), tantôt dansants (« Momentum », « Calcutta »), les thèmes sont toujours entraînants, et tous composés par les musiciens d’Heavy Spirits. La section rythmique joue un rôle majeur qui rappelle qu’on est en Afrique. Le bassiste, Vincent Molomo, sacrifie tout au groove et n’hésite pas à jouer des lignes simples et grondantes (« The Seeker », « This Time », « Oasis »), voire presque reggae (« Momentum »). Sur « Quick Sketch », Vincent Molomo montre qu’il peut aussi être un mélodiste subtil et, sur « Ornette’s Wing », en trio avec la batterie et le cornet, il joue free avec aisance. Garland Selolo est un batteur omniprésent et musclé (« Momentum », « Quick Sketch »), dont les roulements ne sont pas sans rappeler les tam-tams africains (« The Seeker II »). Il soutient avec force « polyrythmies » les solistes, à l’image des « splashes » de « Oasis » ou des ruptures de « This Time ».

Paul Vranas évoque un peu Sonny Rollins (« The Quest »), avec parfois des touches orientales bienvenues (« The Seeker »), et son solo a capella - « Reflections » - est très élégant. L’altiste, Mokowe Mashiane, malheureusement disparu depuis, a une sonorité particulière, assez épaisse, légèrement nasillarde, haut perchée, un peu « plastique », qui peut évoquer par certains côtés le son de Manu Dibango. Ses solos sont profonds (« This Time », « Calcutta »), avec un sens mélodramatique évident (« Quick Sketch », « Songs for Mokowe »). Le dernier soufflant, Gershwin Nkosi, a composé huit des treize thèmes. C’est un cornettiste au son clair, au phrasé nonchalant, mais sans mollesse (« The Seeker »), qui fait preuve d’humour (« Momentum », « Ornette’s Wings »), mais aussi de majesté (« Consequence », « Oasis »). Ce qui frappe le plus dans le jeu de Gershwin Nkosi, c’est son sens de la mise en place, à l’image de son solo dans « This Time », véritable cas d’école.

Momentum est un disque simple et marquant, qu’on aura toujours plaisir à écouter, car la musique de Heavy Spirits est vivante, sincère ; elle vient des tripes et touche le corps…