Chronique

Himiko

Pearl Diver

Himiko Paganotti (voc, effets), Emmanuel Borghi (kb), Bernard Paganotti (elb), Antoine Paganotti (dms), Nguyên Lê (g), Illya Amar (vib) + Masha Mosconi (vln), Anaïs Flores (vln), Marie Legendre (alto), Alice Picaud (cello), Bertrand Lajudie (arr. cordes).

Label / Distribution : Le Triton

Une résidence d’un an au Triton, quatre concerts selon trois formules différentes (duo, quintet, quintet augmenté d’un vibraphone et d’un quatuor à cordes) : ainsi pourrait-on caractériser en quelques chiffres la carte d’identité du projet qui a donné naissance à Pearl Diver, le nouveau disque d’Himiko (comprenez que ce nom désigne le groupe et pas uniquement sa chanteuse). C’est de la grande formation – une forme d’aboutissement, donc – qu’il est question ici, un ensemble dont Bertrand Lajudie a assuré l’arrangement des cordes.

On pourrait s’étonner que moins de deux ans après la parution de Nebula, une grande partie du répertoire (six compositions sur dix) de ce dernier soit remise sur le métier pour faire l’objet d’un nouvel enregistrement. Seule survivante de l’époque SLuG en 2009, la splendide « Like A Friend » et son chant en forme d’hymne, comme pour clore avec faste un long cycle, avant d’autres projets et de nouvelles compositions en vue d’un disque en duo. En réalité, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : cette relecture, qui passe par un changement des structures de certaines chansons, est inspirée par le désir d’une ambiance différente privilégiant un climat encore plus onirique, plus éthéré.

Ce que nous confirment Himiko Paganotti et Emmanuel Borghi dans un récent entretien : « Nous avions très envie d’entendre nos chansons avec un quatuor, car c’est un son qui nous touche. Nous aimons l’émotion et la chaleur qui se dégagent des cordes lorsque celles-ci sont orchestrées avec goût comme c’est ici le cas selon nous. À ce propos, nous remercions ardemment notre ami Bertrand pour son fabuleux travail. Quant à Illya, nous avons envisagé sa présence car le vibraphone est un formidable générateur d’ambiances et se fond parfaitement dans nos sonorités électro-éthérées ».

Le couple Borghi-Paganotti définit sa musique comme un ensemble de « pop songs ». Ils sont un peu modestes en disant cela, convenons-en, car Pearl Diver sort clairement de ce cadre, dont les limites structurelles pourraient être autant de restrictions. La force d’Himiko est d’avoir su créer de toutes pièces un univers qui lui est propre, plus que jamais marqué par un jeu d’ombre et lumière, à l’instar des portraits qui illustrent le livret, une tension suspendue et des textes souvent elliptiques. L’ensemble sonne moins électrique, plus apaisé, du fait de la douceur distillée par les cordes et par les éclats lumineux du vibraphone d’Illya Amar. La composition-titre qui ouvre le disque ou encore « No Witness » en sont des exemples flagrants. Ici, plus encore qu’en studio, les forces en présence – dont le caractère familial n’échappera à personne – contribuent à l’avènement d’un groupe d’une remarquable unicité, à même de libérer les énergies avec sérénité et subtilité. Antoine et Bernard Paganotti composent une rythmique tour à tour placide et puissante, tandis que les interventions de Nguyên Lê poussent çà et là l’ensemble vers les rivages d’un rock aérien, en quête de ces grands espaces qui lui sont si chers et qu’il rejoint avec la fulgurance qu’on lui connaît sur une composition hautement inflammable telle que « Pretty Heels ».

Pearl Diver est un disque qui vous embarque pour un voyage dont on n’a même pas envie de connaître la destination précise, pourvu que sa douceur et ses élans célestes perdurent encore un peu. Et puis, rappelons-le, Himiko Paganotti est une chanteuse magnifique, une des voix les plus fascinantes qu’on puisse écouter actuellement. Ce ne sont pas Nguyên Lê, John Greaves ou Michael Mantler qui vous diront le contraire…