Chronique

Jean-Pierre Como

Boléro

Jean-Pierre Como (p), Dario Deidda (b, elb), Minino Garay (dms, perc) et Javier Girotto (ss, bs), Louis Winsberg (g).

Label / Distribution : L Âme Sœur Productions

Neuvième album en tant que leader pour le pianiste Jean-Pierre Como. Boléro [1] devrait ravir tous les amoureux du voyage mélodique dans lequel il les a embarqués il y a près d’un quart de siècle au fil de disques souvent rêveurs et méditatifs [2]. On se souvient avec émotion de son premier album, Padre qui, à la fin des années 80, débordait d’une tendresse fébrile et filiale, celle du souvenir et de la célébration des racines. Sa musique, tout en joie nostalgique (oxymore qui convient bien à Como), au cœur de laquelle il plaçait la mélodie et le chant, était un ultime cadeau à son père. Et depuis une trentaine d’années, le groupe Sixun et ses douze albums [i] démontrent son attachement à l’élaboration d’un répertoire solaire dont le moteur et la vibration sont toujours l’amitié et les relations humaines - car l’humain occupe une place centrale dans l’univers d’un artiste attaché à transmettre ses passions.

En 2013, Jean-Pierre Como promène sa cinquantaine et sa longue chevelure avec la même grâce qu’à ses débuts ; le voici aujourd’hui porté par des élans fraternels qui mêlent ses origines italiennes aux influences argentines, que lui ont soufflées à l’oreille ses amis Minino Garay et Javier Girotto. Dario Deidda, bassiste transalpin, vient équilibrer cette quarte latine à laquelle un ami de passage, le guitariste Louis Winsberg (Sixun, toujours…) rend une visite aux vertus contemplatives, le temps de regarder la lune (« Guarda che luna »). Une géographie des origines qui colle à merveille à l’esthétique du pianiste-compositeur, empreinte d’une certaine gravité – à ne pas confondre avec la tristesse – à laquelle vient se mêler, comme dans l’exécution d’une danse intime, la pulsion chaloupée de rythmes déployés avec une grâce toute féline. « Jours de fête » ou « Como Va » sont les plus beaux exemples de ce mariage harmonieux, l’exposition d’une relation très fusionnelle, pour ne pas dire amoureuse, à la musique.

En réalité, on n’éprouve pas le besoin de passer en revue les onze compositions de cet album sensuel, car ce sont autant de visions d’un même paysage imaginaire tour à tour romantique et festif. Le voyage qu’elles suggèrent, d’une réconfortante sérénité, s’apparente à une projection de couleurs chatoyantes et chaleureuses évoquant un périple rêveur entre Méditerranée et Amérique du Sud, en passant par les Caraïbes. Cerise sur ce gâteau en forme de Carte du Tendre, Boléro est un disque qu’on pourra qualifier d’accessible en ce qu’il ne nécessite aucun passage préalable par telle ou telle histoire musicale pour qui voudrait en comprendre les ressorts intimes. Nul besoin d’une initiation, il est là, devant vous, pour vous, tout entier parcouru d’un chant amoureux dont la poésie ne pourra vous échapper si sa sensibilité vibre avec la vôtre. Et puis… tout de même, quand Como & Co vous prennent par la main pour partager leurs rêves d’or (« Sogni d’Oro »), un « Amour Tango » ou observer une « Goutte de pluie », tendrement enlacé (« Enlacez-vous ») avec qui vous voudrez, il faudrait être bien grincheux pour refuser une invitation aussi langoureuse.
Como va molto bene… et nous aussi d’ailleurs, grâce à ce quatuor charmeur.

par Denis Desassis // Publié le 30 septembre 2013

[1L’Âme Sœur Productions.

[2En solo, trio ou quartet, avec un orchestre symphonique, ses précédents albums ont pour titre Padre (1989), Solea (1992), Express Paris-Roma (1995), Empreinte (1999), Storia (2001), Scénario (2003), L’âme sœur (2006), Répertoire (2010).

[iNuit Blanche (1985), Pygmées (1987), Explore (1988), Live (1989), L’eau de là (1990), Nomad’s Land (1993), Lunatic Taxi (1995), Flashback (1995), Nouvelle Vague (1998), Sixun fête ses 20 ans - Live à La Cigale (CD et DVD) (2006), Palabre (2008), Live in Marciac (2010).