Chronique

Jean-Pierre Como

Infinite

Jean-Pierre Como (p, kb), Christophe Panzani (ss, ts), Bruno Schorp (b), Rémi Vignolo (dms).

Label / Distribution : L Âme Sœur Productions

Onzième album sous son nom, Infinite aura été pour Jean-Pierre Como l’occasion de recourir à une méthode de travail qui le différencie des précédents, dans la mesure où le pianiste explique avoir composé en temps réel au milieu de ses musiciens, alors que l’écriture relève d’habitude pour lui plutôt de l’exercice solitaire. Celui qui fut longtemps le pianiste de Sixun, ce groupe fusionnel qu’on qualifiait volontiers d’héritier de Weather Report et qui nous manque beaucoup, est plus que jamais en quête d’une musique vibrante et chaude. Ce nouveau disque fait suite à Express Europa, sur lequel s’illustraient notamment deux chanteurs, Hugh Coltman et Walter Ricci. Cette fois, pas de voix mais toujours la présence du chant, celui qui habite l’univers d’un musicien dont les racines italiennes ne sont certainement pas sans rapport avec ce qu’on appellera une nécessité mélodique. Comme si un petit opéra personnel était niché au plus profond de sa mémoire et se rappelait à lui à chaque instant…

Pour Infinite, Jean-Pierre Como s’est entouré de compagnons qui partagent avec lui le désir de peindre leur musique aux couleurs d’une poésie intérieure. Deux d’entre eux ont récemment eu l’occasion d’en faire la démonstration par leurs propres disques résolument oniriques : Christophe Panzani aux saxophones et Bruno Schorp à la contrebasse. Souvenons-nous des Âmes perdues du premier et de Into the World du second, qui se présentaient comme deux carnets d’amitiés et de voyages. Finalement, on n’est guère surpris de retrouver ces deux musiciens, qui sont ici comme chez eux. Quant à Rémi Vignolo, son parcours de contrebassiste devenu batteur fournit une indication précieuse quant à son aptitude à faire chanter son instrument. Voire à chahuter l’ordre établi par une mélodie en effectuant un pas de côté rythmique, histoire de relancer la machine et de susciter une perturbation heureuse.

L’idée de départ était belle, le résultat ne l’est pas moins. Élégance et raffinement sont les maîtres mots d’Infinite, qui met par ailleurs en lumière la complémentarité, qu’on devine naturelle, entre le piano de Jean-Pierre Como, ample et d’une grande empathie, et les saxophones de Christophe Panzani qui trouve ici un terrain propice à l’épanouissement de son propre chant. Celui-ci contribue pour beaucoup à la tonalité de l’album, le plus souvent tendre, nostalgique et contemplative. Mais parfois, c’est la joie qui emporte tout sur son passage, comme sur ce « Lucky Day » aux allures de gospel, au beau milieu duquel surgit une valse. Le pianiste signe neuf des onze compositions, Rémi Vignolo en ayant déposé deux dans la corbeille (« Olinda » et « La Sorrentina » [1]), dont la tonalité est en totale adéquation avec l’ensemble du répertoire.

Une heure tout en sérénité éclairée par quatre musiciens n’ayant rien à prouver mais beaucoup à donner. Ainsi pourrait-on résumer ce disque qui voit le jour sur le label L’Âme Sœur. Jean-Pierre Como évoque la notion d’intemporalité et le caractère sans fin de la musique lorsqu’il évoque le sens donné à Infinite. Si l’objectif est ambitieux, reconnaissons-lui dès maintenant la capacité à enchanter le temps présent.

par Denis Desassis // Publié le 21 octobre 2018
P.-S. :

[1Une petite erreur s’est glissée dans le livret du CD, puisque Rémi Vignolo y est crédité pour « La Sorrentina » et « Midnight Sun ».