Chronique

Joe Locke

Sticks And Strings

Joe Locke (vib), Jonathan Kreisberg (g), Jay Anderson (b) and Joe La Barbera (d).

Label / Distribution : Allgorythm

Après Al Foster, Eddie Gomez et Kevin Hayes, c’est au tour de Joe Locke d’enregistrer pour le jeune label indépendant italien Jazz Eyes, branche jazz de Music Eyes. On a pu entendre ce vibraphoniste aussi talentueux que versatile aux côtés de Dizzy Gillespie, John Hicks, Kenny Baron, Cecil Taylor, Randy Brecker et bien d’autres, mais depuis son premier enregistrement avec le septet de John « Spider » Martin en 1976, sa discographie s’est considérablement enrichie [1] Titre oblige, Sticks And Strings réunit quatre baguettes (voire six) et dix cordes (plus sur certains morceaux). Locke s’est entouré de trois autres briscards : à la guitare, Jonathan Kreisberg qui a fait partie des combos de Lee Konitz, Jane Monheit, Ari Hoenig etc, la contrebasse étant entre les mains habiles de Jay Anderson qui a joué aussi bien avec Maria Schneider que Frank Zappa, en passant par Toots Thielemans, Michel Legrand, Céline Dion et quelques trois cents autres ; derrière les fûts et les cymbales, le batteur vétéran trop méconnu Joe La Barbera, dont le jeu tout en nuances a servi maints jazzmen, de Woody Herman à Bill Evans… Avec ces musiciens qui ont roulé leur bosse aux quatre coins de la planète jazz, Locke met toutes les chances de son côté.

Sticks And Strings est constitué de neuf morceaux dont cinq de Locke, un d’Anderson, un de La Barbera et deux standards (« All Of You » et « I Fall In Love Too Easily »). Dans un ouvrage remarquable, [Le Jazz, André Schaeffner montrait en quoi le balafon est un instrument clé car à la fois percussif, mélodique et harmonique. Avec ses cousins le xylophone et la marimba, également utilisés dans le jazz, le vibraphone est un digne descendant de cet instrument fondateur venu d’Afrique. Côté histoire, Lionel Hampton en a fait un instrument soliste leader, Milt Jackson lui a donné ses lettres de noblesse et Gary Burton l’a propulsé dans l’ère moderne. Locke s’inscrit à la croisée de ce dernier et de Bobby Hutcherson, lui-même héritier de Jackson. « Agile », « fluide » et « mélodieux » sont les qualificatifs qui viennent à l’esprit à l’écoute de Locke, qui compose de jolis thèmes, structure ses morceaux avec soin et swingue sans complexe avec, parfois, quelques écarts lyriques de salon au goût douteux (« Fallen Angel », « A Word Before You Go »). La basse d’Anderson déroule avec beaucoup d’aplomb une ligne solide et puissante, toujours pleine d’un swing renforcé par la batterie de La Barbera, qui maintient la pression sans se départir d’une subtilité chantante. Cette section rythmique assure le soutien confortable qui permet aux solistes de laisser cours à leur imagination. Dans la lignée d’un John Scofield ou d’un Kurt Rosenwinckel pour la sonorité et le phrasé, les lignes mélodiques sinueuses et claires de Kreisberg balancent efficacement. Sans révolutionner la musique pour vibraphone, ce disque bien construit et bien joué fait toutefois appel à des musiciens certes compétents mais qui auraient peut-être pu prendre davantage de risques…

  1. « Time Like the Present », Anderson (6:23).
  2. « The Rosario Material » (4:33).
  3. « Fallen Angel (Sword Of Whispers) » (7:51).
  4. « Black Elk (Terzani) » (7:46).
  5. « All Of You », Cole Porter (9:30).
  6. « A Word Before You Go » (8:19).
  7. « Appointment In Orvieto » (5:07).
  8. « I Fall In Love Too Easily », Jule Styne & Sammy Cahn (5:02).
  9. « Sixth Sense », La Barbera (7:00).

Tous les morceaux sont signés Joe Locke, sauf indication contraire

par Bob Hatteau // Publié le 23 février 2009

[1pour s’en convaincre, le lecteur pourra se référer au travail exhaustif de Noal Cohen.