Chronique

Karl Jannuska

On The Brighter Side

Karl Jannuska (dms, perc, kb), Cynthia Abraham (voc), Tony Paeleman (kb), Pierre Perchaud (g), Christophe Panzani (sax, cl), Baptiste Germser (elb, kb, cor), Julien Herné (elb)

Label / Distribution : Shed Music

Karl Jannuska est un musicien prisé de ses pairs. Ce ne sont pas Olivier Bogé, Tony Paeleman, Pierre Perchaud, Thomas Savy, Sophie Alour, Tam De Villiers, Pierre de Bethmann, Enrico Pieranunzi, Kurt Rosenwinkel ou Sofie Sörman qui prétendront le contraire : tous l’ont côtoyé et en connaissent les inspirations tant mélodiques que rythmiques. Le batteur canadien est ce qu’on peut appeler une valeur sûre dont Halfway Tree, publié sous son nom en 2012, était un indiscutable marqueur en ce qu’il marquait sa volonté d’ouvrir son répertoire à la forme chantée. Ce qu’on qualifiera hâtivement de pop songs. En 2016, on avait pu respirer à pleins poumons un Inhale/Exhale en quartet avec ses amis de The Watershed : Tony Paeleman, Pierre Perchaud et Christophe Panzani. Puis le batteur était revenu en leader avec Midseason et sa collection de treize chansons, comme autant de miniatures, dont Jannuska avait signé tous les textes et pour lesquels il s’était adjoint les services de plusieurs voix : celles de Sienna Dahlen et Denzal Sinclaire mais aussi Andrew Downing et Sonia Cat-Berro.

Bien des points communs unissent cette précédente réalisation et On The Brighter Side, qui voit le jour chez Shed Music. D’abord parce que la plupart des fidèles ont répondu présent à l’appel : Tony Paeleman, Pierre Perchaud, Christophe Panzani ou bien encore Julien Herné. Ensuite parce Karl Jannuska poursuit sur la voie d’une musique chantée et mélodique, exprimée sous la forme de compositions assez brèves (entre 3 et 5 minutes) qui ont des airs de bulles poétiques. Une fois encore, la voix est le vecteur des rêves de celui qui est ici le compositeur, le batteur et l’agenceur sonore. C’est celle de la chanteuse Cynthia Abraham, dont les amours musicales vont de la soul aux musiques caribéennes en passant par le funk ou le gospel. Pour faire bonne mesure, on soulignera la présence sur certains titres d’invités de marque en la personne de Seamus Blake au saxophone ou de Federico Casagrande à la guitare. Mais les différentes personnalités ainsi assemblées sont avant tout au service d’un ensemble qui repousse la tentation du chorus. Ce n’est pas ici qu’on trouvera de longues interventions en solo, le travail de mise au point du climat sonore étant la priorité. On a affaire à un collectif de designers.

Karl Jannuska joue la carte de l’enchantement et d’une esthétique de la limpidité, servie avec beaucoup de justesse par le chant éthéré de Cynthia Abraham. On The Brighter Side, disque paisible, s’écoule tranquillement, comme l’eau d’une rivière qui filerait entre les doigts, mêlant subtilement sonorités électroniques et acoustiques. On aurait parfois envie de parler de musique planante tant elle peut s’avérer sérielle (« On The Brighter Side », « Parsimony ») ou simplement aérienne (« Blue, White And Red Flags » ou « What Lies Within » en clôture du disque). On comprend que le disque s’offre comme une proposition, celle de la quête d’une vie en lumière (tel est le sens de ce Brighter Side). On pourrait y voir de la naïveté, mais c’est avant tout une force qu’on entend. Tant il est vrai qu’il faut être fort pour rester optimiste, ce qu’on ne saurait reprocher à Karl Jannuska dont l’apaisement est vite communicatif.