Chronique

Ligne Sud Trio

Lendemains prometteurs

Christian Gaubert (p), André Ceccarelli (dms), Jannick Top (elb) + Christophe Leloil (tp), Thomas Savy (clb, ss).

Label / Distribution : Cristal Records

À la fin de l’année 2013, le pianiste marseillais Christian Gaubert, épaulé par deux autres hommes du Sud, André Ceccarelli et Jannick Top, publiait un Ligne Sud Trio dont Citizen Jazz avait souligné les vertus mélodiques. Ce disque-là racontait « des histoires au charme tranquille, parsemées de mélodies sans âge, mais à coup sûr entêtantes ». Un peu moins de trois ans plus tard, les trois musiciens récidivent en annonçant des Lendemains prometteurs. Un titre auquel chacun aura envie de croire, c’est évident, même si l’air du temps inciterait plutôt au pessimisme. Et si le pianiste, qui nourrit par ailleurs une passion pour le cinéma - il a composé ou arrangé bon nombre de bandes originales de films - déclare s’être tourné « vers des formes rythmiques inspirées de traditions ethniques bulgares, turques ou arméniennes caractérisées par des mesures asymétriques à 7 ou 11 temps », il ressort avant tout de cette deuxième rencontre discographique un même plaisir du chant et l’expression d’un besoin : ensoleiller la musique d’un trio né d’une belle amitié.

Il faut dire que la compagnie d’André Ceccarelli et Jannick Top est plutôt bonne : cette cellule rythmique d’une grande décontraction sait faire couler avec beaucoup de naturel – comme une évidence – des thèmes originaux (toutes les compositions sont signées Gaubert à l’exception d’une reprise de « On Green Dolphin Street ») qui racontent des aventures à la façon de courts métrages. Loin des tempêtes kobaïennes et du grondement de ses infrabasses – le bassiste fut de l’aventure Magma à sa grande époque dans les années 70 et pour un temps associé en tant que pair à Christian Vander – Jannick Top donne l’impression de ne pas forcer son immense talent tant son jeu est empreint de fluidité et manifeste une grande richesse harmonique. À ses côtés, un batteur qui n’a plus rien d’autre à prouver que sa capacité à instiller sensibilité et légèreté au cœur de la musique. Ceccarelli ou le groove tranquille, en quelque sorte. Fort de cette association d’une souplesse rien moins que stimulante, Christian Gaubert peut déployer un jeu baignant dans la lumière. Le pianiste, soumis à toute une série de variations, comme en témoignent les titres de plusieurs compositions : « Humeur changeante », « Valse indansable » ou « Mouvement obsédant », peut partir à la conquête de ces mélodies qu’il chérit depuis toujours. C’est chez lui un cheminement humain autant que musical, qui l’a amené en outre à convoquer alternativement deux soufflants dont la verve n’est un secret pour personne : le saxophoniste Thomas Savy (déjà invité sur le précédent disque) ou le trompettiste Christophe Leloil. En réalité, le trio est la plupart du temps un quartet (Gaubert, Top et Ceccarelli se retrouvent à trois uniquement sur un titre, « Comme un espoir »), ce dont nul ne se plaindra tant les invités contribuent à la définition d’un petit univers très lyrique qu’on a plaisir à retrouver une fois encore.

Le final de ce disque publié chez Cristal Records a des allures de coda. Christian Gaubert est seul au piano, le temps de deux pièces assez solennelles, « Ilien » et « Mare Nostrum », cette dernière étant totalement improvisée. Une conclusion de toute beauté, empreinte d’une pointe de nostalgie, qui pourrait laisser entrevoir l’existence d’un îlot préservé des vicissitudes du quotidien. Une manière, peut-être, de signifier la réalité de ces Lendemains prometteurs annoncés dans le titre du disque. Répétons-le : on a envie d’y croire !