Chronique

Michel Godard

Le concert des parfums

Michel Godard (tu, serpent, b), Gavino Murgia (as, voc), Sébastien Marq (fl), Gérard Marais (g), Patrice Héral (perc, fx, voc), Ursula Siglinde Yeo (parfums)

Label / Distribution : Carpe diem

Enregistré dans le cadre enchanteur de l’Abbaye de Noirlac en 2009, Le concert des parfums de Michel Godard est un objet intime. Le lieu et son atmosphère sont partie prenante des créations de ce tubiste et serpentiste : son récent Monteverdi, A Trace of Grace a également profité de l’âme des pierres de l’abbaye cistercienne pour s’exprimer au mieux.

Ici, Godard s’entoure d’un quintet où se croisent des complices jazzmen de toujours - le percussionniste Patrice Héral - et des interprètes de musiques anciennes - le flûtiste Sébastien Marq. C’est à une étonnante triangulation entre lieux, musique et parfums que l’auditeur est ici convié. En compagnie de la parfumeuse Ursula Siglinde Yeo, qui a créé pour l’occasion plusieurs fragrances « Noirlac », les musiciens ont improvisé autour des senteurs, ou bien joué les compositions de Godard ou du guitariste Gérard Marais. Création commune autour d’un instinct et de sensations partagées, Le concert des parfums, à l’instar de ceux-ci, semble littéralement embaumer le cœur de l’abbaye cistercienne.

Il y a entre musique et parfum une analogie évidente. Il y a les couleurs et les gammes, bien sûr, mais surtout le rôle que joue dans les deux cas la subjectivité, quand il s’agit de raviver les souvenirs et de faire vibrer l’intangible. « Impermanence », où le serpent de Godard et la flûte de Marq se tressent, évanescentes, et sonnent sur les vieilles pierres, quand elles ne se heurtent au puissant chant de gorge de Gavino Murgia qui, entêtant, revient tout au long de l’album.

Plus qu’une description des diverses fragrances et de ce qu’elles évoquent, cet album est une élaboration « à la manière des parfums. ». Il y a une ligne de force, tenace, entre les musiciens et la parfumeuse. Elle se construit en effluves fugaces, entre notes sucrées et arômes enivrants. Ici on les retrouve principalement dans les « improvisations. » Ce sont les vapeurs fugaces de chaque musicien ; une pointe acide ou capiteuse. Le très beau « Trace de Renaissance » est un exemple parfait de distillation construite sur la base du rythme et de la voix. Le morceau se construit comme une nuance subtile entre jazz et musiques anciennes, entre saxophone et serpent, comme entre musc et ambre. Si l’on peine souvent à ressentir sur la platine les parfums de Yeo (ils sont cependant diffusés sur scène), il n’en reste pas moins un disque qui séduira les amateurs des expériences intimistes de Michel Godard.