Chronique

No Tongues

Les Voies de l’Oyapock

Matthieu Prual (sax, bcl), Alan Regardin (tp, cornet), Ronan Courty (b, objets), Ronan Prual (b)

Label / Distribution : Ormo Records

Après le très remarqué Les Voies du Monde en 2018 et une tournée Jazz Migration, le quartet No Tongues est parti en Amazonie, à la rencontre des habitants du fleuve Oyapock, leur environnement et leur culture. Cette aventure a donné lieu à des carnets de voyage, publiés dans Citizen Jazz et le travail de création qui en est ressorti a fait l’objet d’une résidence au Pannonica ainsi que d’une présentation publique en janvier 2019 du projet en gestation. C’est donc plus d’un an après, avec un autre voyage amazonien pour consolider le bagage culturel et coloré, que No Tongues présente ce disque splendide et entêtant.

Le quartet No Tongues possède déjà une couleur très particulière, avec ses deux contrebasses, pas toujours jouées de manière orthodoxe, une trompette et un saxophone ou clarinette basse pour des éclats cuivrés et acides. Le jeu très physique des contrebassistes et leur profusion d’objets sonores divers permet d’obtenir une rythmique très percussive.

Ici, en enregistrant les sons de la forêt, du fleuve, les chants traditionnels, les sons de la vie locale, les musiciens se sont approprié un corpus d’éléments sonores étonnants. Partant de là, ils ont choisi, soit de s’en inspirer pour une musique instrumentale bruitiste et proche de la transe, soit d’en relever les mélodies et de « rejouer » certaines séquences à leur manière. L’un dans l’autre, c’est l’Amazonie dans sa diversité sonore qui est assimilée et restituée. Quelques enregistrements naturels (pluies, insectes, animaux etc…) parsèment le disque, tout comme les voix parlées-chantées, les « tules » mis en sons et autres surprises captées sur place. Le livret détaille d’ailleurs chacune des pistes pour s’y retrouver.

Mais il semble plus naturel de se laisser porter par ce flot musical, allégorie magnifiée d’un fleuve lointain et de ses rivages verdoyants, bruyants et bruissant de mille découvertes.

No Tongues se pose là en chercheur-découvreur de nouveaux rivages et confirme sa capacité intelligente à se renouveler tout en restant proche du filon qui l’a rendu riche.