Sur la platine

Nunc, label d’ici


Nunc, en latin, c’est maintenant. Et maintenant, ce n’est pas le changement, c’est la continuité : nouveau label du guitariste Richard Comte, membre de l’Hippie Diktat paru sur BeCoq et cousin de Coax, Nunc Records publie simultanément trois disques qui embrassent un paysage aux confins cartographiés mais pourtant illimités, entre Free, Noise et autres divagations électroniques. De la musique artisanale d’aujourd’hui qui aime le désordre de l’instant.

Au départ, comme de plus en plus souvent dans cette époque de mutualisation de la pénurie, le label Nunc est une histoire de coproduction. Helved Rüm, première sortie, est répertorié chez BeCoq ainsi que chez Coax Records. Même s’il s’agit d’un album qui marque une certaine esthétique (électricité lourde, inspiration du DIY proto-punk, improvisation contondante..), il faut attendre Vegan Dallas, conjointement porté par COAX pour que se dégage une identité propre, fortement influencé par le rock, sans l’engoncement dans de vaines postures.

Electro Griot est la réunion de Helved Rüm avec Benjamin Flament aux percussions et Richard Comte à la guitare. Ambiances planantes aux rythmiques flottantes portées par la batterie de Julien Chamla, le quartet raconte des histoires d’aventures aux décors minimalistes, à l’instar de « Do Vaudou » et n’hésite pas, grâce aux machines de Simon Henocq, à griffer l’éventuelle impression de douceur qui émerge çà et là.

On l’a vu, Richard Comte est de tous les projets. L’occasion aussi de le retrouver dans un solo très contemplatif, loin des watts de ses power trios, qui évoque le voyage. Comme on écrit des bribes de phrases dans des petits carnets. On se souvient que Innermap, sorti chez COAX, indiquait comme seul titre des coordonnées GPS . Ici, dans ce Travel Patterns enregistré de 2014 à 2016 entre Montreuil et Bruxelles, il s’agit d’une suite d’impressions, de paysages en fondu-enchaîné où le guitariste fait preuve d’une grande finesse. La mémoire des lieux n’est pas convoquée, à l’inverse des zones de transit, remplies d’images.

La finesse et la poésie, ce n’est pas spécialement le propre de Roue Libre, qui est un modèle de musique rugueuse, qui bouscule tout sur son chemin avec une guitare grasseyante abandonnée parfois pour une basse minérale et le sax ténor de Quentin Biardeau qui saute des passementeries de la musique ancienne au métal. Du Machaut à la machette, en quelque sorte. Avec Roue Libre, on s’inscrit dans la droite lignée de Hippie Diktat ou de Killing Spree. Le chant de Comte, intimement lié au Metal, ne tombe jamais à plat. Il accompagne un propos de prime abord outrancier mais qui se révèle bien plus raffiné qu’il n’y paraît. Notamment dans la relation entre les cordes et le saxophone qui savent agir ensemble pour faire face au déluge de rythmes de Théo Lanau. Cette coproduction avec le Tricollectif, joyeusement turbulente, est pour le moment la perle de ce jeune label qui proposera bientôt le prochain Hippie Diktat. A suivre sans attendre.