Portrait

Pour une musique authentique

Discussion avec Pedro Costa, co-créateur de Clean Feed


Pedro Costa © Fia Costa

Pedro Costa est l’un des responsables du label Clean Feed et à ce titre, un découvreur et un parieur. Il permet à des très nombreux musicien.ne.s de trouver une édition et une diffusion pour des projets discographiques avant-gardistes. Niché à Lisbonne, mais constamment à l’écoute de ce qui se fait dans toute l’Europe, il répond à nos questions.

- Pensez-vous qu’il existe un jazz portugais ? Ou s’agit-il seulement d’une composante du jazz européen ?

Je pense que chaque pays a ou devrait avoir son propre accent lié aux particularités de chaque pays, comme chaque musicien doit être lié à l’endroit où il vit (en faisant confiance à leur authenticité). Cela signifie prendre en compte l’économie, la nourriture, les paysages, la liberté, etc.
Si un musicien joue ce qu’il est, ça doit remonter à la surface — sa musique — s’il est seulement académique, il ne jouera que ce qu’il a appris.
Au Portugal, le jazz se porte bien, la jeune génération est étonnante, avec de bonnes idées et un esprit ouvert. Le jazz utilise maintenant moins un langage ou une forme qu’une attitude envers la musique et l’improvisation. J’adore ça.

Le divertissement est différent de la culture

- Quelles sont vos principales références parmi les musicien.ne.s portugais.es ?

Si on ne parle que de jazz et de musique improvisée, je dirais Susana Santos Silva, RED Trio, Gabriel Ferrandini, Pedro Sousa, Rodrigo Amado, Carlos Barretto, Carlos Bica, Mário Laginha, Maria João, Gonçalo Almeida, Sei Miguel, João Hasselberg, João Paulo Esteves da Silva, Sara Serpa, Luís Vicente et Mário Delgado.

- Quels musicien.ne.s ou groupes deviendront, selon vous, les références de demain ?

Pedro Melo Alves, Ricardo Toscano, Romeu Tristão, João Barradas, Mané Fernandes, Eduardo Cardinho, Gonçalo Neto, Bruno Pernadas et Pedro Branco ainsi que deux groupes très intéressants appelés Slow is Possible et The Rite of Trio.

- L’économie d’un label comme Clean Feed est-elle viable aujourd’hui ?

Pas vraiment.
Nous ne survivons que parce que nous avons plus de 500 références dans notre catalogue et parce que nous sommes une très petite équipe de quatre personnes. Il n’y a pas de soutien dans notre pays pour les arts. Ici, le seul sens donné à la culture, c’est celui des festivals d’été. Vous ouvrez n’importe quel grand journal ou regardez n’importe quelle chaîne de télévision et dans la section culture, la plupart du temps, il ne s’agit plus que des festivals d’été et de leurs animations connexes.
Le divertissement est différent de la culture telle que je la conçois. C’est peut-être la culture du divertissement tout au plus, mais pas la culture telle qu’on la voyait auparavant.

- Que pensez-vous des médias jazz en Europe ?

Je pense que les médias de jazz européens font ce qu’ils peuvent pour sauver leurs affaires, ce qui n’est pas une tâche facile. Nous apprécions leurs efforts et nous regrettons seulement de ne pouvoir les soutenir davantage.

- Clean Feed est le label de nombreux musiciens créatifs, du Portugal, mais aussi de France, du Danemark, de Suède, etc… Ce n’est pas une maison de disques portugaise dans ce sens. Est-il plus compliqué d’avoir des sollicitations de toute l’Europe ou cela vous permet-il d’avoir une activité soutenue ?

Eh bien, depuis le début, Clean Feed n’a jamais été un label portugais qui ne couvrirait que la scène locale (même principalement), sinon je ne le ferais pas. À mon sens, il était logique d’avoir un label avec une ouverture mondiale.

- Comment choisissez-vous les projets que vous publiez ?

Je me base principalement sur trois points :
1. Il faut que j’adore la musique
2. Il est logique de sortir le disque en fonction du nombre de disques que ce musicien ou ce groupe a déjà sortis et s’il s’agit d’un groupe qui tourne.
3. La musique jouée — quel que soit le genre — doit être authentique.

- Si vous n’aviez pas de difficultés d’argent, quel serait votre projet pour le jazz ?

Payer nos artistes correctement.