Chronique

Quinsin Nachoff’s Flux

Path of Totality

Quinsin Nachoff (ts), David Binney (as), Matt Mitchell (p, clavier), Kenny Wollesen (dm), Nate Wood (dm)

Label / Distribution : Whirlwind

Cette deuxième production sur le label Whirlwind de Flux, dirigé par le saxophoniste Quinsin Nachoff marque, trois ans après la première, une étape importante dans le travail de composition du Canadien. La présence à ses côtés des francs-tireurs d’une musique téméraire n’est évidemment pas la seule garantie de réussite de Path of Totality même si elle en est un des ingrédients premiers. Au vu de l’ambition affichée, impliquer des musiciens parfaitement aguerris était, il est vrai, une des priorités.

Si David Binney, comme à l’accoutumée, propose un discours d’une belle vivacité qui le voit croiser le fer avec son leader avec un réel enthousiasme et les acrobaties les plus folles, le piano de Matt Mitchell, tout aussi sémillant, ne se situe pourtant pas seulement dans un échange de politesses virtuose. Avec une profonde compréhension des compositions, il sait s’approprier la moindre des idées pour la pousser plus loin encore et lui insuffler de nombreux éléments subtilement décalés. Relayé par les batteries efficaces de Nate Wood ou Kenny Wollesen, voire les deux ensemble sur quelques pistes, qui font voler en éclat tous les cadres et semblent renouveler l’approche dynamique que cet instrument doit communiquer à un ensemble, le quartet s’aventure sans ciller sur des territoires que Nachoff a définis avec une méticulosité qui rend les compositions souveraines.

A partir d’une architecture complexe renvoyant à bien des esthétiques (jazz sûrement, musique contemporaine et expérimentale aussi), il développe des pièces au long cours sur les deux CD que comporte l’album. Faisant le pari de la durée (13, 14 voir 19 minutes) pour laisser éclater sa verve créatrice, il s’appuie non seulement sur son quartet mais également sur l’ajout de musiciens complémentaires qui viennent donner vie à des arrangements fastueux. Sur « March Macabre » principalement, trompette, trombones et clarinette donnent de l’ampleur au morceau qui gonfle sans jamais friser la redite ; mieux, en progressant inexorablement vers son apothéose. « Toy Piano Meditation » en revanche, hommage clin d’œil à « Suite for Toy Piano » de John Cage, laisse d’abord place au jeu de Mitchell puis cède le terrain au lyrisme de Nachoff. Avec un soin particulier porté à la production, un son d’ensemble charnu et vigoureux, Flux ne force pas la radicalité aride mais s’impose toutefois comme une musique excessive qui nécessite une approche répétée pour en saisir la beauté brûlante et l’intrépide modernité.