Sur la platine

Whirlwind Recordings, le vent se lève outre-Manche

Coup de projecteur sur le label londonien.


Whirlwind Recordings fait partie des labels qui comptent outre-Manche. Plusieurs chroniques citoyennes (notamment dues à la plume de Franpi Barriaux [1] [2] [3] ) documentent ses sorties régulières.

C’est le bassiste américain Michael Janisch (également contrebassiste du groupe Cloudmakers) qui fonde le label en 2010 afin d’enregistrer son premier album en leader Purpose Built, enregistrement inaugural d’une maison de disques qui en compte aujourd’hui presque 120.
Retour sur quelques productions plus ou moins récentes.

Commençons ce tour d’horizon en évoquant le saxophoniste (et clarinettiste) slovène Jure Pukl, tout juste 40 ans qui a sorti, coup sur coup, deux réjouissants albums : Hybrid, sorti en 2017 et cosigné avec le pianiste croate Matija Dedić avec qui il se partage les compositions, puis Doubtless [4], sous son seul nom, sorti en 2018 avec un quartet épatant composé de Melissa Aldana, Joe Sanders et Gregory Hutchinson. Sa musique, directe, expressive et lyrique, est mise en valeur par une interprétation remarquable : Jure Pukl, son dense et rond, possède un jeu volubile et tranchant qu’il met au service d’un sens aigu de la narration, et ce sur n’importe quel tempo. Sur Doubtless notamment, les élégants unissons autant que les arabesques ciselées des deux soufflants sont assez jubilatoires.


Julian Siegel (1966) est un autre saxophoniste (ténor, soprano et aussi clarinette basse), anglais celui-là, avec un son ample et des idées longues. Il est à la tête d’un sacré quartet composé de Gene Calderazzo, Liam Noble (entendu notamment auprès d’Ingrid Laubrock) et Oli Hayhurst [5]. Leur musique fraîche, enlevée et faussement mélancolique emprunte à une certaine tradition post-bop du quartet avec saxophone autant qu’à une avant-garde policée (audible notamment dans les improvisations des solistes), ce qui confère à Vista un charme certain.


Le NYSQ (pour le New York Standards Quartet) a sorti six albums depuis 2008. Sur leur dernier disque Heaven Steps to Seven (clin d’œil à peine déguisé au Seven Steps to Heaven de Miles sorti en 1963), Ugonna Okegwo [6] remplace le contrebassiste japonais Daiki Yasukagawa. Leur credo : faire revivre des standards « millénaires », entre déférence et audace. Mission plutôt réussie même si on aurait aimé un peu plus de caractère dans les interprétations.
A noter que Gene Jackson, le batteur de NYSQ, a récemment sorti un disque en leader pour Whirlwind dans une formule piano basse batterie des plus classiques.


Jeff Williams, batteur américain installé en Angleterre depuis de nombreuses années [7], a déjà sorti six disques en leader dont plusieurs chez Whirlwind. Paru en 2018, son dernier album Lifelike, enregistré en sextet dans le célèbre club londonien le Vortex, fait la part belle à ses propres compositions. Il est entouré notamment du jeune pianiste Kit Downes (bouillonnant membre de la scène londonienne depuis une dizaine d’années et dont le solo d’orgue Obsidian est sorti chez ECM l’année dernière) et du saxophoniste alto John O’Gallagher, ainsi que du trompettiste portugais Gonçalo Marques. Une musique fougueuse et énergique d’inspiration ornetto-zornienne dont la captation en direct révèle l’engagement.


Quant au contrebassiste polonais Wojtek Mazolewski, il nous gratifie, avec son quintet, d’un disque diablement dansant dont espièglerie, groove et hédonisme sont les principaux ingrédients.

par Julien Aunos // Publié le 3 mars 2019

[4L’illustration de la pochette est signée Cecile McLorin Salvant.

[5Ces quatre-là avaient déjà enregistré un premier album en 2011, Urban Theme Park, déjà chez Whirlwind.

[6Sideman très recherché outre-Manche, entendu notamment aux cotés de Tom Harrell et membre historique du trio de Jacky Terrasson en compagnie du batteur Leon Parker avec qui il formait une paire redoutable.

[7On l’a notamment entendu dans les années 70 aux côtés de Dave Liebman et Richie Beirach, puis plus tard avec Lee Konitz.