Chronique

Silvan Schmid Quintet

At Gamut

Silvan Schmid (tp), Tapiwa Svosve (as), Silvan Jeger (cello), Lucas Wirz (tu), Vincent Glanzmann (dms)

Label / Distribution : Hat Hut

Jusqu’ici, à moins de faire partie des fouisseurs des fins fonds de Bandcamp ou d’être résident zurichois, il était difficile d’avoir entendu parler du trompettiste Silvan Schmid. Nos lecteurs avaient déjà lu son nom aux côtés de Frantz Loriot, avec le batteur Vincent Glanzmann qui est l’un de ses fidèles. Hormis cela, on comptait jusqu’à ce jour une seule sortie en trio, dans une approche où le free prédomine. C’est dire si At Gamut, cette nouveauté en quintet, est une découverte et une bonne surprise, ne serait-ce qu’à cause de l’instrumentarium méticuleusement travaillé où l’on retrouve Silvan Jeger au violoncelle (lui aussi habitué de Loriot) et Lucas Wirz, valeureux tromboniste passé pour l’occasion au tuba. Une souplesse collective proche de la voix, ainsi qu’on l’entend dans le très écrit « Spartitur I » où la trompette s’extirpe d’un tutti au mouvement circulaire, comme une incantation qui échappe peu à peu au cadre fixé à mesure que le violoncelle alpague le tuba.

Schmid est trompettiste, avec une sonorité pure et douce, pas du tout claquante, qui depuis plusieurs années décline le projet Gamut (la gamme) en différents avatars : les orchestres, comme ce quintet qui s’étend à l’envie en Kollectiv, mais aussi un festival dans la région de Zurich qui permet d’allier la puissance abrasive du saxophone alto de Tapiwa Svosve à une sensibilité narrative certaine, comme on l’entend dans « Motten » [1]. Dans ce morceau fort riche, plein de ruptures où les soufflants sont maîtres, on perçoit que, comme les insectes nocturnes, la grâce peut parfois muter en obsession selon que la coloriste batterie illumine ou non l’archet du plus cru des éclairs.

At Gamut, sur toute la gamme, porte bien son titre. On pourrait penser que faire cohabiter l’abstraction de « Ins Leere », où le silence règne en maître et agglomère délicatement quelques mesures avortées, avec la rigueur orchestrale de « Spartitur II », baignant clairement dans la musique écrite occidentale, pourrait être factice. Ce n’est pas haut de gamme et un peu compassé. Ce n’est pas bas de gamme et un peu sale ; le dosage est idéal et fluide, ce qui le rend universel. Tout le registre des sentiments est convoqué dans un album prometteur qui offre l’occasion de découvrir un musicien qui joue simple et sans emphase. A suivre avec beaucoup d’enthousiasme.

par Franpi Barriaux // Publié le 18 novembre 2018
P.-S. :

[1Les papillons de nuit, en allemand.