Scènes

Sophie Alour au Manu Jazz Club

La saxophoniste est venue en trio éclabousser de son jazz pétillant le public nancéien.


Le Manu Jazz Club, association entre Nancy Jazz Pulsations et le Théâtre de la Manufacture, continue sa route. Le public est au rendez-vous de la deuxième saison ; le 26 février 2015, il accueillait Sophie Alour entourée de Frédéric Nardin et Frédéric Pasqua.

Sophie Alour © Jacky Joannès

Une amende pour excès de vitesse et deux trains manqués n’auront pas suffi à entamer la bonne humeur de Sophie Alour, venue en trio secouer sans le brutaliser le public du Manu Jazz Club à grand renfort de Shaker, du nom de son dernier album [1]. Bien épaulée par une vaillante paire de Frédéric (Nardin à l’orgue Hammond et Pasqua à la batterie) auxquels elle accorde de larges espaces de liberté, quitte à se mettre parfois en retrait, la saxophoniste met d’emblée la salle dans sa poche en distillant par petites touches un humour bienvenu (ainsi, quand elle présente une composition intitulée « Joke » dont elle a oublié l’explication du titre).

Pour Sophie Alour, la conquête du public passe avant tout par le déploiement d’un jeu où la virtuosité cède volontiers la place à une fougue sans retenue qu’elle communique par voie directe à ses deux complices. Ces bonnes ondes sont d’autant mieux mises en évidence qu’elles coïncident avec l’ajout d’un nouveau registre, puisqu’elle alterne désormais soprano et ténor. Surtout, la scène agit comme un véritable révélateur des bonnes énergies en mouvement dans le trio, addition de forces que le disque ne soulignait pas avec suffisamment d’acuité. Frédéric Pasqua, le Marseillais tout en puissance, rayonne dans le rôle du dynamiteur permanent, pendant que Frédéric Nardin le Bourguignon un temps échappé de l’hyperactif Amazing Keystone Big Band, double son jeu à l’orgue de son propre chant et assure à lui seul une bonne partie du spectacle. Il ne faudrait pas oublier que cet instrument occupe une place très importante dans le parcours de Sophie Alour, par ailleurs membre du Lady Quartet de Rhoda Scott [2], figure légendaire de l’histoire de l’orgue Hammond. Une bonne partie du répertoire de Shaker sera passée en revue au cours de la soirée : « Joke », « In This World », « Comptine », « I Wanna Move My Body », sans oublier la version façon Sergio Mendes de « My Favorite Things », ainsi qu’une composition plus ancienne (« Haunted »). Le trio interprète également « My Shining Hour » (standard signé Arlen-Mercer et notamment popularisé par John Coltrane à la fin des années 50), avant de revenir pour un rappel aux couleurs du blues.

Le public, venu nombreux une fois encore, n’en demande pas plus, et va tirer un bilan très positif de ce quatrième épisode de la deuxième saison du Manu Jazz Club. C’était loin d’être le cas en janvier quand Brian Jackson et son Midnight Band, augmentés d’un certain Mr E., étaient venus délivrer un funk jazz à l’instrumentation un peu clinquante, à peine zébré par les éclairs politico-littéraires d’un rappeur remplaçant de dernière minute. Les qualités indéniables de ce dernier n’avaient pas suffi à éviter l’exode d’une bonne partie de la salle entre les deux sets. Une erreur de casting, sans doute. Mais cette fois, Sophie Alour et ses musiciens ont trouvé avec les spectateurs un excellent terrain d’entente, sous la forme d’un jazz champagne très pétillant [3].

par Denis Desassis // Publié le 16 mars 2015

[1Naïve, 2014.

[2Dont les autres ladies ont pour nom Lisa Cat-Berro (saxophone) et Julie Saury (batterie).

[3Cette ultime remarque étant un clin d’œil à plusieurs plaisanteries lancées par Sophie Alour.