Chronique

Sylvain Courtney

Those Were The Days

Sylvain Courtney (g), Jean-Yves Jung (p), Damien Varaillon (b), Jean-Marc Robin (dms), Michael Alizon (sax).

Voilà un album qui mérite beaucoup mieux que la confidentialité à laquelle son statut de disque autoproduit semble le destiner. Those Were The Days est en effet un recueil intimiste et chaleureux de ballades aux mélodies subtiles, souvent mid tempo, qui reflètent au plus près la personnalité de Sylvain Courtney. Ce guitariste, bien connu des Lorrains, et tout spécialement des Nancéiens (qui sont nombreux à avoir croisé sa longue silhouette), n’en est pas à son coup d’essai. Une première Bal(l)ade du Faubourg, elle aussi sortie presque sous le manteau en 2007, soulignait déjà les qualités d’un compositeur dont la discrétion apparaît aujourd’hui comme une arme de séduction ! Car avec ce deuxième album, Sylvain Courtney déroule un tapis de velours, mais la maturité lui permet aujourd’hui de mettre pleinement son savoir-faire au service de son art. Même efficacité humble chez un trio de complices qui ont beaucoup d’heures de travail en commun : Jean-Yves Jung au piano, Damien Varaillon à la contrebasse et Jean-Marc Robin à la batterie. Quatre amis qui bénéficient sur trois titres du renfort de Michael Alizon au saxophone.

À la guitare, Courtney n’a rien à prouver : technicien hors pair, il nous préserve avec l’élégance et le flegme qui le caractérisent des élans débridés qu’on a pu connaître en d’autres temps et de la course de vitesse façon « 24 heures du manche ». Ici, tout est posé clairement, on évolue avec délectation dans un climat que les Anglo-Saxons qualifient de laid back. S’il reconnaît assez spontanément l’influence de guitaristes tels que Jonathan Kreisberg ou Lage Lund – ce dont on ne saurait le blâmer – il n’en est pas pour autant caché derrière ses modèles. Ses compositions ont toutes leur petite histoire à raconter, avec quand il le faut une pointe d’humour qui ajoute encore au charme de l’ensemble.

Ainsi « Distorted Love » [sic], dont le titre provient d’un travail de ré-harmonisation des premières mesures de « Love For Sale », dont il ne reste plus grand-chose, « 10 Years », construit autour de deux parties composées à dix ans d’intervalle et cet « Hôtel Weber » qui semble avoir laissé un souvenir mitigé aux musiciens lorsqu’ils enregistraient le disque. Chaque titre renvoie donc à sa petite anecdote, même si Sylvain Courtney insiste sur le fait que sa musique n’est pas figurative, loin s’en faut. Éminemment mélodique, elle révèle avant tout un souci du chant, voire de la chanson, au sens le plus noble du terme. Évoquant « Un dimanche de Rameaux », le guitariste nous explique : « Il s’agit d’une chanson dont j’ai écrit la musique et les paroles. J’essaie ainsi de renouer avec le rapport qu’ont les Américains avec les standards. Et plutôt que de reprendre « Beautiful Love » ou « Blame It On My Youth », je joue ce morceau dont la forme est simple. Mais mon rapport aux paroles est très personnel, donc mon investissement émotionnel y est réel ». Il y a parfois des évidences qui méritent d’être rappelées ; ce disque en est une à sa façon.

On pourrait traduire Those Were The Days par « C’était le bon temps ». Si on peut lire une pointe de nostalgie dans ce titre qui paraît regarder en arrière, mieux vaut toutefois le prendre pour ce qu’il est en réalité : une célébration tranquille du présent, qui nous libère momentanément de l’urgence du quotidien. Avec Sylvain Courtney, on apprend à s’arrêter, à contempler et savourer les minutes qui s’offrent à nous. Au risque d’être poursuivi par ses petites mélodies qui finissent par nous trotter dans la tête et nous rendre un peu plus légers. C’est un cadeau qui ne se refuse pas.