Chronique

TOC

Haircut

Ivann Cruz (g), Jérémie Ternoy (Rhodes), Peter Orins (dms)

Label / Distribution : Circum Disc

On avait laissé le trio nordiste TOC sur une invitation : You Can Dance (If You Want It), nous intimait en effet son premier album, ponctué d’électricité et de nappes caustiques. La musique y tenait tout autant de l’urgence farouche que de la lente percolation de nombreuses influences en apparence discordantes. Sur les cordes de la guitare d’Ivann Cruz comme sous les baguettes de Peter Orins, deux membres du Circum Grand Orchestra, circulaient librement des flots de rock progressif mais aussi de la musique électronique et du Métal en fusion. Le tout amalgamé par un jazz fièvreux descendant directement des expérimentations Seventies sous les coups de boutoir du Fender Rhodes de Jérémie Ternoy ; L’actuel clavier de Magma est par ailleurs habitué des expériences lilloises, de Vazytouille au trio [NU].

Si le premier album flirtait avec la transe par la superposition infinie de flux contradictoires, Haircut, le second (Circum Disc) est une exploration studieuse d’émotions lancinantes, est une plongée en apnée, en deux morceaux d’une vingtaines de minutes, où la musique, inexorable, déroule son tapis. « Half UPDO » commence ainsi sur une rythmique discrète de Peter Orins qui s’amplifie, peu à peu zébrée par les giboulées électriques de ses comparses. Au regard du déluge qui suit, on pourrait songer que le batteur est là pour maintenir un cap, conserver une rythmique impavide dans les circonvolutions de ses comparses. Mais en fait, ce sont ses ruptures comme ses soudains revirements qui créent les espaces nécessaires pour que le trio s’agglutine ou se désagrège.

La pochette représente une masse noire aux multiples nervures. Une feuille gonflée de sève ? Un réseau synaptique en pleine activité ? Des cavités souterraines ? Une épaisse touffe de cheveux rebelles ? Nul ne le sait, mais elle définit TOC à merveille. Même entre les deux morceaux, il y a moyen de tracer des ponts, de retrouver quelques boucles cabossées qui bouillonnent d’énergie. Dans cette lente déambulation, on est surpris par le flegme ambiant. Prises indépendamment les unes des autres, les routes empruntées par les musiciens sont d’une affolante rectitude. C’est leur carambolage qui donne à ce disque l’air d’avoir été éjecté d’une centrifugeuse. On se laisse emporter avec plaisir par ce tumulte.