Chronique

Tam de Villiers Quartet

Panacea

Tam de Villiers (g, comp), David Prez (ts), Frédéric Chiffoleau (b), Karl Jannuska (dms), Gábor Winand (voc, 3,4,7,10)

Label / Distribution : Whirlwind

Né en Grande Bretagne, Tam de Villiers est installé en France depuis de nombreuses années. Il s’est vite imposé, dans le sillage de Marc Ducret, comme l’un des guitaristes les plus inventifs de la jeune génération. En version acoustique, avec son trio Morgen Naughties, il a montré avec quelle facilité il pouvait s’emparer de divers registres, du baroque au rock, sans postures acrobatiques. Quand les cordes s’électrifient, c’est comme s’il présentait son passeport, dûment tamponné par toutes les places de l’improvisation européenne. On a ici un sujet de la Couronne britannique plus concerné par la flamme gracile de l’Ecole de Canterbury que par les combustibles de contrebande de provenance indécise. « Plato’s Cave », extrait de Panacea, troisième album de son quartet, le confirme. Entre lui et le chaleureux ténor David Prez, compagnon de longue date, c’est à qui brisera le premier les chaînes d’une rythmique gourmande et solide, Karl Jannuska à la batterie et, nouveau venu dans l’équipe, Frédéric Chiffoleau à la basse. C’est le guitariste qui trouve le premier la lumière. Elle est vive ; peu importe le carburant, ce qui met le feu à la plaine est un solo qui brille avec élégance, sans quincaillerie inutile.

Comme sur Motion Unfolding (2012), l’orchestre explore le registre de la voix, présente ou suggérée. Avec David Linx, Tam de Villiers observait toutes les facettes de la chanson. La présence ici de Gábor Winand signale une option différente : le Hongrois est plus proche de l’instrument-voix, ce qui ouvre un vaste champ d’expérimentation ainsi qu’une grande douceur. Celle-ci est perceptible dans l’éthéré « Freedom », qui rappelle l’atmosphère d’Opera Budapest (2005), sur lequel Winand figurait en compagnie du quintet de Gábor Gadó.

On le sait, le guitariste aime adjoindre des contraintes à son écriture. Ainsi, sur « Morse Code Fantasie », c’est sur un simple signe de transmission que le quartet bâtit un morceau où une guitare vindicative et mutante vient pousser dans leurs retranchements le saxophone de Prez et les scats de Gábor Winand. Il en sera de même sur la suite « Totem Tona », puis sur « Tona Totem », construit sur un mode sériel.

Pour autant, Panacea révèle un penchant certain pour le rock. L’architecture générale de « Panopticon », reprend le principe du regard circulaire ; celui de Tam de Villiers est à la fois au centre du propos et encerclé par lui. La lutte pour se libérer du jeu sec de Chiffoleau, aussi à l’aise ici qu’aux côtés de François Ripoche, par exemple, est âpre mais galvanisante, mais non sans finesse. Sur le très zappaïen « As Above, So Below », Winand se place à l’avant-poste d’une rythmique impaire et lancinante ; alors toutes les idées effleurées dans l’album s’amalgament idéalement. La guitare et le ténor mettent un soin particulier à éroder une masse orchestrale que la batterie de Jannuska tente de combler en pure perte, si ce n’est pour nourrir un groove jubilatoire. Sur ce flot tourmenté, le calme de Winand offre un contraste apaisant. Panacea est un disque fluide et puissant. Certainement le plus abouti du quartet. À ne manquer sous aucun prétexte, la prescription est universelle.