Chronique

Tonbruket

Dig It To The End

Dan Berglund (b), Johan Lindstöm (g), Martin Hederos (p, kb, vln), Andreas Werliin (dms, perc).

Label / Distribution : ACT

La pochette peut dérouter : un personnage inquiétant aux orbites évidées nous dévisage ; son faciès repoussant s’apparente à celui d’un squelette surmonté de d’instables constructions menaçant de s’effondrer. Il n’est en rien une invitation à une partie de plaisir ; on aurait plutôt envie de prendre la fuite. On aurait tort : car ce disque aux accents indéfinissables - il y a ici comme du rock, mais habité de mille autres expériences et obsessions enivrantes - a le charme puissant des fruits naturels qui s’épanouissent au carrefour de parcours personnels pour produire un univers singulier, immédiatement identifiable.

Dig It To The End est la confirmation brillante de tous les espoirs nés à la sortie de son prédécesseur (2009), sobrement intitulé Dan Berglund’s Tonbruket. En tout point réussi, il évoque une succession de chapitres comme autant de petites histoires envoûtantes qui nous emportent vers un ailleurs teinté de mystère et de tension brûlante. Plus que jamais, le nom de Tonbruket (« atelier »), semble justifié : ces onze compositions - souvent de courte durée - laissent entrevoir tout le potentiel créatif du quartet ; mais, très abouties, ce sont aussi des pistes pour l’avenir. Tonbruket fourmille d’idées et les exploite ici avec bonheur.

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Il faut rappeler que ce groupe très soudé, dont l’esthétique originale ne saurait faire oublier les ascendants (qui remontent à Satie, Debussy ou Ravel), n’aurait peut-être pas vu le jour sans la disparition brutale et tragique d’Esbjörn Svensson au printemps 2008 [1]. Retrouvant à cette occasion le guitariste Johan Lindström, complice de longue date avec qui il n’avait pas perdu contact, Dan Berglund, charismatique contrebassiste du trio suédois, décidait alors de s’engager dans une nouvelle aventure. Ce sera Tonbruket. Par ces retrouvailles entre amis, ils vont tracer un nouveau chemin, en évitant le piège du calque d’E.S.T. tout en y puisant l’essentiel : une inspiration où s’affirmait une retenue méditative combinée à un art certain de la mélodie tranquillement déroulée, mais aussi une grande intelligence dans le recours à la scansion et l’exposition de thèmes plus hypnotiques. Leur passé commun, où le rock occupe une place centrale, allait évidemment refaire surface et délivrer d’autres fulgurances qui font aujourd’hui la couleur si particulière de Tonbruket. A leurs côtés, deux musiciens expérimentés : le pianiste Martin Hederos, plutôt issu de la scène rock, qui signe ici plusieurs compositions, et le batteur Andreas Werliin, connu en Suède pour son travail sur la scène expérimentale. Quatre artistes, quatre univers joints dont la couleur n’appartient qu’à elle-même.

Dig It To The End est à cet égard la suite logique du premier Tonbruket par sa personnalité originale mais aussi - et surtout - le témoignage de son émancipation et de son ambition créative. Si E.S.T. en a été un des catalyseurs, le quartet est désormais un vrai combo, un groupe de combat qui va au cœur de sa musique. Lindström, qui signe la majorité des compositions et semble devenu sinon le pivot, du moins une composante vitale du groupe, explique le processus de création : « Nous avons accompli un gros travail pour sculpter nos compositions. Il nous a fallu comme creuser la terre pour extraire le cœur véritable, le sens et l’esprit de chaque composition. Aussi, elles sont de notre part une invitation à les écouter avec beaucoup d’attention. ». Le groupe avait annoncé en 2009 que s’il souhaitait porter le flambeau d’E.S.T., il voulait aussi suivre sa lumière sur un nouveau chemin. On peut affirmer aujourd’hui que le pari est gagné.

Dès le premier morceau, « Vinegar Heart », le ton est donné : une attaque hypnotique en forme de course urbaine haletante, puis une respiration durant laquelle la pedal steel guitar [2] de Johan Lindström résonne comme un appel à la contemplation. Avant de nous plonger, à l’issue de cette entame frénétique, dans un monde vertigineux, un film dont le personnage principal n’aurait pour issue que la fuite - un film imaginaire avec une pointe de Tarantino. « Balloons », beaucoup plus aérien, est animé d’une pulsion presque mécanique où le piano électrique vient déposer une mélodie minimaliste mettant en valeur la basse de Dan Berglund, tout en grondement. « Decent Life » fait basculer tout en finesse un climat apaisé et nostalgique, celui d’un duo entre un piano et une guitare acoustique, vers une atmosphère plus sombre, étouffante, marquée par l’archet de la contrebasse. E.S.T. rôde dans les parages… Les compositions s’enchaînent avec beaucoup d’élégance : ici la pedal steel règne sur une ballade tranquille (« Lilo »), là une pulsion lourde pèse sur nos épaules (« Dig It To The End », forcément !) ; un piano un peu lointain mais de plus en plus proche évoque un Satie contemporain (« Gripe ») ; « Le Var » et sa mélodie un brin surannée sont un clin d’œil au Boléro de Ravel ; sur « Grandma’s Haze » un beau dialogue se noue entre piano et contrebasse dans une ambiance presque country ; quant à « Draisine Song » et son chorus de contrebasse, ils vous donnent la chair de poule…

Profusion des climats, richesse des propositions… le laboratoire Tonbruket est à la musique ce que les cabinets de curiosités sont aux collectionneurs. On sait qu’on peut y trouver une foule de choses, que l’espace n’y est jamais fini, mais que toute nouvelle pièce entreposée, même très différente des autres, y trouvera toujours sa place. Naturellement.
Forcément, on est déjà impatient de découvrir les prochaines…

par Denis Desassis // Publié le 26 septembre 2011

[1Rappelons que le pianiste a trouvé la mort au printemps 2008 dans un accident de plongée.

[2Une composante essentielle de la couleur d’ensemble, ce que l’on soulignera d’autant plus volontiers que les spécialistes de cet instrument sont très rares et la plupart du temps affiliés à d’autres univers musicaux, en général outre-Atlantique.