Chronique

Tony Paeleman

Slow Motion

Tony Paeleman (p, Rhodes), Julien Pontvianne (ts), Nicolas Moreaux (b), Karl Jannuska (dms) + Pierre Perchaud (g), Lisa et Sonia Cat-Berro (voc), Arthur Heintz (cor).

Label / Distribution : Paris Jazz Underground

Tony Paeleman est un pianiste voyageur aux oreilles grandes ouvertes : nourri de rock qu’il écoutait enfant et qui continue d’occuper une place essentielle dans son quotidien, formé à l’école classique, il évolué vers le jazz sans pour autant renier ces influences, qui affleurent dans son travail. Cet éclectisme, ce besoin d’ouverture, en font un artiste dont on suit les pérégrinations avec intérêt, et manifestement recherché pour ses talents de mélodiste : on l’a vu évoluer aux côtés de Vincent Peirani, Olivier Bogé ou encore des sœurs Sonia et Lisa Cat-Berro. Plus récemment, il a été adoubé par Christian Vander – on peut considérer cela comme une distinction, connaissant l’extrême exigence du fondateur de Magma – pour participer à l’aventure Offering (qui fêtait l’année dernière, pendant une semaine au Triton, les trente ans d’une expérience en tous points singulière).

Slow Motion, premier album de Tony Paeleman en tant que leader, montre en effet qu’il sait mettre la musique en mouvement (pas forcément lent, comme pourrait le laisser croire le titre) parfois jusqu’à l’hypnose et l’étourdissement, sans que ne soit reniée pour autant l’expressivité de ces huit compositions habitées d’un chant profondément mélodique. Des thèmes originaux, à l’exception de « Coming On The Hudson » (Thelonious Monk), qu’on perçoit comme des invitations à un voyage lumineux. Cette itinérance est servie avec beaucoup de justesse – bel équilibre entre puissance et finesse – par un trio dont les talents individuels ne sont plus à démontrer : Julien Pontvianne, entendu chez l’Oxyd d’Alexandre Herer, Nicolas Moreaux, contrebassiste (Chris Cheek, Jeff Ballard, Tigran Hamasyan), et Karl Jannuska, le plus français des batteurs canadiens et certainement un des plus actifs. Sans oublier Pierre Perchaud, ancien membre de l’ONJ Yvinec ; sa guitare illumine « Pandore », dont le motif introductif dénote une parenté directe avec l’imaginaire « vandérien ». Et puis, çà et là, des voix aériennes (celles des sœurs Cat-Berro, en particulier) ajoutent au pouvoir de séduction de cet son alliage de raffinement et d’onirisme.

Avec ce disque, Tony Paeleman met certes en lumière ses qualités de pianiste et de compositeur, mais affirme aussi sa faculté de faire vibrer sa musique avec élégance, de l’élever vers les hauteurs irisées de son imagination. Il suffit d’écouter « Inner Voice » pour s’en convaincre : en un peu plus de six minutes, tout le groupe semble aller tutoyer des sommets enivrants (la respiration à pleins poumons est néanmoins recommandée), et la conclusion de l’album (« Slow Motion », dédié à Paul Motian), suscite le frisson trop rare qu’on aime tant dans les musiques de l’âme. Aucune raison, donc, de se refuser ce Slow Motion et ses paysages enchanteurs, dont on s’imprègne petit à petit avec un plaisir complice.