Scènes

Inama en concert au Sunset le 4 juin 2008

Le live leur va si bien !


Comment caser six personnes, un vibraphone, une batterie complète, deux flûtes, trois saxophones, une guitare trafiquée, un glockenspiel, quelques accessoires musicaux et un nombre respectable de micros et de retours sur la toute petite scène du Sunset ? Demandez à Inama.

Le 4 juin dernier, le sextet s’offrait son troisième concert dans la salle de la rue des Lombards, mais le premier en son nom propre : avant, c’était en tant que « jeunes espoirs ». Des espoirs qui se concrétisent, à n’en pas douter ! Avec l’album sorti le mois dernier chez Cristal, ils prennent même une forme précise : La Boîte Noire. Précisons, au cas où, qu’il ne s’agit pas d’avions crashés mais de ce qui se passe dans le cerveau : le leur, le nôtre.

Qui dit Inama dit Amina.
Amina Mezaache, ses flûtes (l’une occidentale, la traversière classique et l’autre traditionnelle, au son de désert et de djebel – berbère, sans doute ?), ses murmures sur des poèmes de Michaux, ses cris mêlés au souffle. Ses compositions malignes (« Parle à Monk », la série des « Pan »…), ses traits mélodiques aux échos de Debussy et Ravel, sa présence scénique sérieuse, concentrée, toute d’énergie contenue qui décoche des salves. Axe gravitationnel du sextet, elle contribue largement à sa singularité.

Inama au Palais Bar (2007) © Solène Person (DR)

Mais Inama est un groupe, pas une simple juxtaposition de musiciens. Chacun apporte ce qu’il a en lui et la cuisine se fait en commun. Ingrédients : Julien Soro au sax alto, Fabien Debellefontaine, au ténor et au soprano, échangent entre stabilité et déséquilibre, fureur et suavité, le premier sensitif, écorché, le second plus intérieur ; Laurent Gueirard sait faire sonner ses peaux du jazz le plus fin au rock le plus lourd, insuffler des dynamiques à ses compagnons, les ramener sur terre ou planter, en duo avec le vibraphone de Stephan Caracci, un décor africain dans une « Boîte Noire » (la composition) au contenu plus foisonnant encore que sur l’album. Ronan Courty, le contrebassiste, qui allie justesse et pertinence, est capable de passer en quelques instants d’une walking bass orthodoxe (« Parle à Monk ») à un jeu proche de celui d’un bassiste électrique, presque punk , dans « La vie du fleuve ». Le vibraphone, encore lui, sait se faire discret dans un doublage de la flûte, jouer à l’archet ou s’assourdir d’une feuille de papier dans « Pentafrica », introduire un peu de pastel dans un ensemble haut en couleurs primaires (« 3477,5 »). Et bien des choses encore.

Et avec tout ça, vous faites quoi ? De la musique, messieurs-mesdames, simplement. Des compositions subtiles qui parlent à la fois au corps et au cerveau, des improvisations généreuses, des superpositions et transitions de plans et de timbres gérées sur scène aussi précisément que sur l’album, quelques erreurs aussi (la loi du live)… et un supplément d’âme : Inama est né sur scène et cela s’entend. Ce qui, sur le CD, pouvait apparaître trop léché, trop propre (c’est souvent le cas des albums de studio, hélas !) se retrouve ici incarné. La mayonnaise prend et le public ne s’y trompe pas : l’énergie passe dans les deux sens ; l’assistance adhère simplement, directement, en toute sincérité.