Entretien

Olivier Calmel

Olivier Calmel nous livre un Electro Couac Sha-Docks, paru sur le label Yes Or No Prod, qui réussit un harmonieux mélange des genres. Nous avons évoqué cet album avec lui…

Olivier Calmel nous livre un Electro Couac Sha-Docks, paru sur le label Yes Or No Prod, qui réussit un harmonieux mélange des genres.

Nous avons évoqué cet album avec lui, le temps de quelques questions…

Ces Sha-Docks, qui sont-ils donc ? Ont-ils un vague cousinage avec les vieux Shadoks de l’ORTF ?

Oui bien sûr ! Ils sont tellement drôles ! Ils nous reflètent tellement dans nos comportements d’hier et d’aujourd’hui que c’en est troublant. Les Shadocks d’hier travaillaient sans savoir dans quel but : « Il faut pomper pour vivre et donc vivre pour pomper », « Ce n’est qu’en pompant que vous arriverez à quelque chose et même si vous n’y arrivez pas… Eh bien, ça vous aura pas fait de mal ! ». Les Shadocks d’aujourd’hui consomment sans savoir dans quel but : « Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes ». Alors on en rigole tous ensemble ! Aussi, simplement parce qu’on est concernés.

En quoi ce nouveau disque est-il, pour vous, différent des deux précédents ? En quoi en est-il la continuité, indépendamment du fait que certains musiciens sont présents sur les trois ?

D’emblée les questions difficiles ! C’est bien évidemment la continuité logique des disques et répertoires précédents : un travail d’écriture basé sur la sonorité particulière du violon alto, de la contrebasse, une base essentiellement mélodique et contrapuntique, des éléments simples, une recherche du groove, une continuité stylistique. C’est un répertoire qu’on a joué sur scène avant de passer en studio. Mais… Sha-docks est aussi très différent car l’adjonction d’une anche (Christophe Panzani aux saxophones), de la basse électrique et des claviers modifient complètement les équilibres, les dynamiques, les modes de jeu - bref l’écriture. Et bien sûr, Christophe apporte sa personnalité, forte et engagée, ce qui change également la donne. Enfin, ce disque est différent car le répertoire est beaucoup plus funky, bien que le son soit essentiellement acoustique. Pour finir, il est quand même dans le droit fil des précédents car des ponts existent bel et bien entre eux - il suffit d’écouter « Prologue en forme de prélude ». Il y a une réelle volonté de continuité dans l’écriture.

Vous semblez chercher à concilier un certain « classicisme » (on devine une passion pour les compositeurs français du XXe siècle) et une vraie modernité (notamment, ici, par certains traitements sonores). Aimeriez-vous que cette opposition soit un peu votre marque de fabrique ?

Ce qui est certain, c’est qu’on n’assimile vraiment que ce qui nous fait vibrer. Reste à savoir pourquoi !

Oui, une vraie passion ! On ne va pas faire un inventaire mais comment ne pas évoquer Ravel, Debussy, Saint-Saëns, Bartok, Messiaen, Stravinsky, Hindemith, Barber (que je redécouvre en ce moment avec Summer Music, une splendeur), Holst, Poulenc, Milhaud… Tous ces compositeurs sont pour moi à la fois référence, histoire et modernité. Je ne vois aucune opposition mais des complémentarités.

Une marque de fabrique ? Si elle existe, et ce n’est pas à moi d’en décider, je crois qu’elle se situerait plutôt dans une volonté de rapprochement entre mes différentes activités musicales, ce qui a nécessairement des conséquences sur ma façon d’aborder l’écriture : je suis la même personne que j’écrive pour un film ou pour une création (où, logiquement, tout est écrit), pour mon quintet ou pour une autre formation de jazz (où la part d’improvisation est très importante). L’Orchestre de Pantin vient de créer Eau vive, une pièce pour l’O.N.G. du même nom, sans parties improvisées. Je pourrais évidemment en faire une version avec des plages d’improvisations, des inserts, des vamps, etc. Je pense aussi que la présence de la musique de mon père, et donc de ses propres maîtres et influences, est très prégnante chez moi car c’est la culture de mon enfance ! Tout comme les innombrables et mémorables moments passés en chorale…

Il y aussi chez vous des réminiscences méditerranéennes (certains passages évoquent Renaud Garcia-Fons)…

C’est réel et assumé. D’où cela vient-il ? Aucune idée. Papa était originaire de l’Hérault, mais y a-t-il un rapport ? Je ne pense pas. Il est certain que l’étude des Maîtres cités plus haut, l’écoute attentive prolongée des jazzmen français, européens et bien sûr américains a certainement alimenté un terreau propice à ces influences, faites de modes, de métriques et d’ornementations spécifiques. Encore une fois, il est difficile de savoir d’où vient la culture qu’on assimile (ou pas !), surtout aujourd’hui où les ponts sont nombreux. Vous citez Garcia-Fons, dont j’aime très sincèrement la musique ; il y a aussi Henri Texier, Bojan Z, Julien Lourau, Avishai Cohen, Tribeqa et tant d’autres. Les influences, d’ailleurs, c’était un peu le sujet d’Empreintes. Ce qui est certain, c’est qu’on n’assimile vraiment que ce qui nous fait vibrer. Reste à savoir pourquoi !

Depuis le début, il y a dans votre groupe un violon alto - instrument peu banal en jazz. Comment vous est venue cette idée ?

Comme toutes les belles choses… par hasard ! Ça fait longtemps que je travaille avec Fredo, on a monté plusieurs projets ensemble, je l’ai positionné dans des sections de vents (entre des trompettes et des saxophones, l’alto peut passer pour un bugle, c’est vraiment étonnant !). Et puis, à la lecture de ses innombrables facettes musicales, de sa palette sonore si large, je me suis dit qu’il fallait créer un répertoire spécifique en formation réduite. Je ne me suis pas trompé, et des années plus tard son travail sur l’instrument continue de me fasciner.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus sur votre nouveau disque ?

La fraîcheur, l’immédiateté, l’anti-prise de tête, le son.

Parlez-nous des musiciens, en quelques mots…

Quelques mots ne suffiraient pas à exprimer leurs innombrables talents, à commencer par une grande humanité. L’expérience musicale est avant tout une expérience humaine et j’ai la chance de travailler avec des musiciens d’une grande intelligence et d’une grande humilité. Ils ont tous (Fred, Bruno, Fred et Christophe) leurs projets personnels, écrivent et savent ce que « gérer une formation » veut dire. Je pourrais détailler leur CV mais les internautes intéressés sauront trouver les informations qu’ils souhaitent sur Frédéric Eymard, Christophe Panzani, Bruno Schorp et Frédéric Delestré. Très simplement : ce sont tous des musiciens accomplis, investis, d’une grande humilité, au service de la musique et de l’humain. Bref tout ce qui me fait vibrer.

Les projets pour la fin de l’année ?

Un quintette à vent en cours d’écriture pour Arte Combo, un quatuor de clarinettes, plusieurs films en cours de production, un enregistrement avec Why Cie…