Chronique

orTie

orTie

Elodie Pasquier : bcl, cl Bb - Grégoire Gensse : p, objets, voix

Label / Distribution : Laborie Jazz

On les suit depuis leurs premières apparitions scéniques, courant 2012. On les a vus à Oloron l’été dernier. A Saint-Fons, on vous en a parlé, on vous les a pris en photo. On les a retrouvés à Laborie, où ils enregistraient, et à Querbes où ils ont encore joué - je vous raconte ça bientôt. Il ne restait plus qu’à vous présenter le disque.

Nous y voici.

« A la fois point culminant et point de départ », comme nous le disait orTie en février, l’objet est dense : 48 petites minutes d’une musique bien décidée à ne pas vous laisser indifférent.
Huit titres : deux très courts, au début (« Presque rien ») et à la fin (« Pour ainsi dire »). Entre ces deux points, les durées croissent jusqu’à « Parashara », sommet de l’album, puis décroissent à nouveau. On ne va pas tout vous raconter, mais s’arrêter à quelques-uns des moments les plus saillants.

« Gatito » est le premier à vous accrocher l’oreille. Mélodie douce-amère, un petit côté pop anglo-saxonne avec la clarinette qui chante, chante, part en crescendo, redevient tendre et pianissimo, mais ce n’est pas une chansonnette. Le morceau sort bientôt de la vocalité pour prendre des détours inattendus, main gauche du piano et clarinette basse à l’unisson en ostinato, main droite tour à tour prolixe et percussive, semant les dissonances et les tensions avant de se résoudre dans un court rappel du thème.

Dans « Nebula », la mélodie liquide, presque celtique, fait place à un dialogue où chacun affirme sa voix : harmonique, foisonnant et facétieux le piano (on entend des bruits d’objets divers, des couinements de jouets en caoutchouc, des notes « mutées »), mélodique et lyrique la clarinette - ou plutôt les clarinettes, car elles sont deux, capables des emportements les plus furieux comme de tendresses inouïes.

« Parashara », déjà cité, s’inspire d’une mélodie balinaise et ressemble un peu à un poème symphonique. Une longue introduction solo à la clarinette (3 minutes !) que nous n’avions pas entendue sur scène donne à Elodie Pasquier l’occasion de déployer toutes ses ressources : timbres feutrés, ou au contraire ronds et clairs, science du silence et des nuances, et toujours la qualité très vocale de son jeu, comme si la clarinette était une extension du chant. Puis cela déferle : piano-gamelan, avec des choses qui rebondissent et la clarinette qui court à leur suite, s’ébat dans les vertes prairies, se moque, gazouille, alouette à la poursuite du soleil, s’égosille, puis redevient chaton… Solo de piano, réminiscences de Stravinsky dans un scintillement de cordes vibrantes, le morceau s’achève dans le grondement des basses à peine contestées par quelques aigus ténus, infimes mais insistants.

Il n’y a pas que ça dans ce disque. Il y a « Eliode » et les feulements de la clarinette basse interrompus par un sifflet à roulette, la voix de Grégoire Gensse qui double sa main droite.
Il y a « C’est rien c’est la fatigue », titre droit sorti d’une chanson de Loïc Lantoine (« Alors c’est rien, c’est la fatigue / Si on a peur encore du noir / Si on se cache, si on s’endigue / Dès demain, on retournera voir »), musique à l’avenant : déshabillée de tout artifice. Puis « Pour ainsi dire », presque rien. Mais pas comme dans « Presque rien », au début. Quoique.

Allons bon, voilà que je vous ai tout raconté alors que je ne voulais pas. Pourtant non, je ne vous ai pas tout dit. Presque rien, pour ainsi dire.
J’aurais d’ailleurs pu ne vous dire qu’une seule chose : écoutez orTie. Voilà, c’est dit.