Sur la platine

Afrique Imaginaire

Les sons africains ont toujours nourri l’imaginaire des musiciens occidentaux, que ce soit par des évocations subliminales ou des rencontres inattendues.


En se promenant sur BandCamp où, du plus confidentiel au plus consensuel, tout est exposé sans guère d’éditorialisation, on découvre parfois des musiques passées sous les radars. C’est le cas de ces deux voyages africains à cordes : le premier se situe à Montreuil avec un violoncelle électrique. Quant au second, c’est un vol transatlantique qui permet au Kronos Quartet de rencontrer le trio Da Kali de la grande chanteuse mandingue Hawa Kassé Mady Diabaté. En vinyle, comme il se doit.

L ’Iimaginary Africa Trio est une production du Fondeur de Son, cette maison de disque militante et ouverte à tous les points cardinaux qui a déjà fait paraître le périple de Yoram Rosilio et son Anti Rubber Brain Factory au pays des musiciens Hmadcha. Il s’agit d’un projet mené par le violoncelliste Mauro Basilio qui transforme son instrument en toutes sortes de masques, qui suggèrent l’Afrobeat de « Fela », tenu par la solidité éprouvée de Guillaume Arbonville aux percussions, et toutes sortes d’influences urbaines africaines sans tomber dans l’ornière World Music.
L’Afrique imaginaire du trio est un continent kaléidoscopique mais très uni et cohérent où le saxophone de Jean-François Petitjean est le garant d’un lien ténu avec le jazz le plus libre... Une prolongation finalement du Healing Orchestra de Paul Wacrenier dont batteur et violoncelliste sont membres, mais avec une volonté déterritorialisée qui crie avec une candeur touchante son amour pour l’Afrique et son imaginaire.

Le Trio Da Kali et le Kronos Quartet évacuent pareillement l’affadissante approche world . Ce sont deux entités acclamées qui se rencontrent et s’unissent sans céder de terrain. Un vrai dialogue, sur la base des grammaires respectives qui s’amusent à déjouer les contrepoints, à l’instar de « Samuel ». Cette splendide discussion entre le violoncelle (encore !) de Sunny Yang et le balafon de Fodé Lassana Diabaté, trouve mieux qu’un langage commun ; c’est une sorte d’espéranto des timbres qui ne lime aucune aspérité.
Da Kali signifie « Prêter Serment » (sous-entendu : à la perpétuation des traditions mandingues), et l’on peut dire que les Diabaté s’y emploient. A commencer par le balafoniste, qui a joué dans le Symmetric Orchestra de Toumani Diabaté et constitue le point d’ancrage de ce septet de circonstance. Lorsque le Kronos est là, le jazz, même suggéré, n’est jamais loin et Hawa Diabaté, que le quartet compare à Mahalia Jackson, en témoigne dans la reprise magnifique de « God Shall Wipe All Tears Apart ». Le tout dans un luxueuse pochette signée Julian House, avec un pressage de qualité.