Andy Emler - David Liebman

Dans le prolongement de Pause paru en 2011 dans lequel Andy Emler s’essayait déjà à l’orgue d’église de l’Abbaye de Royaumont, ce duo, au côté du saxophoniste David Liebman, pose une nouvelle pierre à l’usage de cet instrument atypique (peu fréquent et à découvrir toutefois, si on en croit la chronique de Philippe Méziat) dans le domaine du jazz et des musiques improvisées.

Sans doute parce que, en réalité, ils ne se cantonnent pas strictement à une esthétique particulière, ces deux vieilles connaissances s’éloignent des genres qu’ils ont par ailleurs parcourus pour croiser leur expérience dans cet exercice original. Durant plusieurs semaines, Andy Emler a pris en main le grand orgue de l’Auditorium de Radio France qu’il utilise de façon orchestrale mais avec beaucoup de nuances. Choisissant de privilégier la richesse des timbres que propose ce synthétiseur des siècles passés plutôt qu’une masse écrasante, il offre une partition parfaitement organisée, à la fois complexe et subtile qui est le réceptacle de la voix de Liebman.

Sans crainte d’affronter le géant, le saxophone impérial déroule une sonorité large et granuleuse. Ce n’est pourtant pas le combat de David contre Goliath. Liebman creuse le son des tuyaux avec facilité et une grande éloquence ; l’écoute mutuelle de ces deux artisans permet de déjouer le déséquilibre. Le mouvement constant des thématiques, l’itération de motifs, les phrases enlevées, la déchirure du souffle offrent une large palette à ces compositions savantes, un brin austères mais d’une belle intelligence. Le duo nous invite à un voyage à la recherche d’une expressivité épurée, sans esbroufe et au plus près d’une certaine vérité.