Bêl

Bêl est un quintet porté par la saxophoniste et compositrice norvégienne Sigrid Aftret, qui, reliant Oslo et Paris, signe ce premier album sur un label de chez nous et que l’on aime pour ses projets toujours innovants et esthétiquement soignés, Onze Heures Onze.

Avec ce titre, Bêl capte un air du temps, une tension, un aveu de sensibilité à une époque trop connectée. My Head is Going To Explode mêle écriture complexe et souhait de s’échapper, de jouer hors cadre. Car l’album, ce serait trop simple, ne met pas en musique une dépression nerveuse ou l’imminence d’un orage, au contraire. Il donne à entendre de vives techniques musicales synonymes « d’évasion » : atonalité, polyrythmie, effets contrapuntiques, qui sont les clés et le cœur de ces sept pièces.

Musique de chambre et musique contemporaine rencontrent ici clairement l’héritage des musiciens de l’AACM et de Steve Coleman, une génération plus tard. Bêl est un quintet qui, comme les Five Elements de l’Américain, n’aime rien tant que les rythmiques complexes et circulaires et les contrepoints mélodiques.

La transe, pourtant douce, a à peine le temps de s’installer que déjà elle s’enfuit, créant une sensation de manque. Oui : certains titres sont si immédiatement accrocheurs qu’on a du mal à voir leur échappée… belle. Le très beau thème de « Tomten » qui ouvre l’album, « Paff » qui doit son charme aux qualités rythmiques de Tore Ljøkelsøy à la batterie et de Magnus Breivik Løvseth au tuba, les changements de mode et d’humeurs, et le soin apporté aux timbres, en particulier lorsque Sigrid Aftret s’empare de la flûte, en disent long sur la maturité générale de cette formation pourtant très jeune.

La musique de Bêl se situe exactement au croisement de la beauté et du cri et c’est sans doute qui sous-tend cette réussite.