Chronique

Birgé - Risser - Mienniel

Game Bling

Jean-Jacques Birgé (cla, fx, objets, elec, ondes martenot, fl, tp), Eve Risser (cla, voc), Jocelyn Mienniel (fl, cla)

Label / Distribution : Autoproduction

Avec la patience de ceux qui font des choix radicaux, Jean-Jacques Birgé continue à tracer le sillon de sa musique et de ses rencontres sur son site. Comme nous en faisions la remarque à l’occasion d’un portrait que nous lui avons consacré, il semble avoir trouvé dans la jeune génération d’improvisateurs français des partenaires dont le langage lui est familier. Après une rencontre avec Antonin-Tri Hoang et Alexandra Grimal (entre autres), c’est encore avec deux fortes têtes que Birgé partage sa dématérialisation militante : la pianiste Ève Risser et le flûtiste Jocelyn Mienniel. Deux membres de l’ONJ Daniel Yvinec, qui a catalysé tant de talents, deux musiciens aux univers assez proches du sien et avec lesquels il se lance dans un Game Bling facétieux.

La rencontre entre Birgé et Mienniel est naturelle. Tous deux éprouvent une même passion pour les claviers vintage et s’en donnent à cœur joie sur « Look at The Order in Which You Do Things », par exemple, quand ils ne se partagent pas les flûtes sur « Courage ! ». Ce n’est en revanche pas la première fois que Birgé et Risser se côtoient. Sur une précédente production du label Drame, en effet, le maître des lieux sollicitait Donkey Monkey - on retrouve d’ailleurs sur Game Bling l’ambiance de cartoon étrange et tumultueuse du duo que la pianiste anime avec Yuko Oshima, avec néanmoins des accents plus sombres, plus tourmentés (le très noir « Distorting Time », où le son mat du piano préparé se mélange aux synthétiseurs de ses comparses). Bien sûr, il y a une forme d’humour, un sens de la dérision voisins dans un morceau comme « Je pense à ton cul », mais subsiste tout de même quelques nuances inquiètes dans la voix d’Eve Risser égrenant sa litanie traînante de bouts rimés dans un nuage d’électronique vite rejoint par le souffle de la flûte.

Inspirée des « Stratégies obliques » de Brian Eno, cette série de petites formes repose donc sur des contraintes suggérées par des cartes contenant chacune un proposition. C’est ce qui lui donne son atmosphère étrange, pleine de rebondissements. Les deux jeunes improvisateurs s’y montrent très complices, rivalisant de trouvailles et de préparations. Ainsi, sur « Gardening Not Architecture », la flûte basse de Mienniel rebondit sur le son anguleux du piano préparé. A leurs côtés, Jean-Jacques Birgé folâtre aux milieu de ses instruments fétiches, de la trompette à anches aux ondes Martenot, visiblement heureux de cette rencontre placée sous le signe de l’aléatoire. On se pique au jeu.