En turc, Temas veut dire contact, de ceux qui permettent d’engager une discussion. Voici un résumé clair et concis de la volonté de la pianiste et chanteuse Cymin Samawatie d’aller à la rencontre de musiciens turcs, panel récurrent de ses visites à Istanbul depuis plus de sept ans. Allemande, née pendant l’exil de ses parents iraniens, c’est sous la forme de duos qu’elle a voulu contacter la riche musique turque, à cheval entre Balkans et Orient. C’est ainsi qu’on peut découvrir, avec « Ceviz Ağaci » une magnifique complainte aux côtés de la joueuse de kemençe Neva Özgen : un échange puissant, qui se nourrit du silence et d’un certain spleen, où la quiétude brisée par la belle voix d’alto de Samawatie se raccommode avec le luth à cordes frottées. Une atmosphère que l’on retrouve avec la violoncelliste Duygu Demir où piano et archet s’installent dans une discussion concise dont la couleur oscille entre orientalisme et Europe Centrale.
Nous avions l’habitude d’entendre Cymin Samawatie avec son Trickster Orchestra, dans lequel jouent Mona Matbou Riahi ou Taïko Saitō : un orchestre faisant déjà cohabiter musique écrite occidentale et orientale, bois et cordes, voix et piano. Cheffe d’orchestre talentueuse, elle propose avec Temas une vision plus intime de sa musique qui sait prendre divers chemins. C’est le cas, répété, de duos avec la saxophoniste Angelika Niescier, qu’on a pu entendre récemment en trio avec Sakina Abdou. Sur « Gole Gandom », la douceur du piano offre un matériau profond dont Niescier se saisit pour un panorama intense dans une ambiance feutrée, où le chant est absent. Un chant qui sait se doubler pour un remarquable échange avec la chanteuse Başak Yavuz.
Parmi les rencontres fortes de cet album sorti sur les plateformes de streaming, c’est sans doute dans le duo avec le joueur de kamancheh Arslan Hazreti que l’émotion est la plus intense. D’abord parce que la voix de Samawatie se marie à merveille avec cet instrument traditionnel à cordes frottées qui a suivi les routes de la soie jusqu’à Constantinople, mais aussi car Hazreti est une figure de la musique iranienne, ce qui donne à ce contact une force indicible. Dépouillé et poétique, Temas est une belle façon de rentrer dans l’univers de la chanteuse, pianiste et compositrice, à suivre absolument.

