Chronique

Eberhard / Casimir / Gschlößl

Bootleg

Silke Eberhard (as, Taepyeongso, gayageum), Daniel Casimir, Gerhard Gschlößl (tb, tu)

Label / Distribution : Autoproduction

La surprise est parfois bien féconde, voilà ce qu’a du se dire la multianchiste Silke Eberhard lorsqu’elle a ressorti l’enregistrement de ce concert en trio, réalisé dans le chaleureux écrin d’un musée berlinois. On connaît le travail de l’Allemande avec un trio puissant et ancien, mais la rencontre avec deux camarades soufflants, Daniel Casimir et Gerhard Gschlößl aux trombones et tubas, est une formule assez nouvelle qui éloigne Eberhard de son registre coutumier où la base rythmique, comme son attachement aux esthétiques dolphyennes et mingussiennes, ont leur importance. On l’avait néanmoins déjà entendue dans des contextes plus improvisés, et c’est ce versant qui est étudié ici : en témoigne le long « Trio 1 » où elle troque parfois son fidèle alto pour un taepyeongso coréen dont elle a fait récemment la découverte.
 
En compagnie des trombonistes qui se partagent chacun un canal, Silke Eberhard peut se permettre toutes les envies, jusqu’au silence ; lorsqu’elle embraye néanmoins sur un « Solo Silke Saxophone », on retrouve la densité de son jeu, ainsi qu’une explosivité qu’elle laisse volontiers aux embouchures dans les morceaux en trio, abandonnant même le souffle pour les cordes du gayageum dans « Trio 2 ». Les forces en présence dans le trio sont impressionnantes : s’il ne s’agit plus de présenter Daniel Casimir, dont la majeure partie de la carrière se déroule en France, auprès du label Yolk notamment, l’écoute du jeu de Gerhard Gschlößl, permet de découvrir un excellent musicien. On l’avait repéré dans le Potsa Lotsa d’Eberhard, tout comme aux côtés de Gebhard Ullmann, ici dans ses deux solos, au tuba comme au saxophone, il se montre très structurant.
 
Très belle improvisation, Bootleg porte ce nom car c’est un disque inattendu. Enregistré « pour mémoire » par la saxophoniste, et alors que le public s’était montré fort enthousiaste au sortir du concert, il s’est avéré qu’il fallait faire perdurer ce soir d’été. Le dialogue entre les musiciens est joyeux et joliment complexe, notamment dans le « Trio 2 » en forme de bouquet final où Eberhard joue au plus simple, au seuil du silence, sur les mailles très serrées des trombones. Un joli concert à emporter.

par Franpi Barriaux // Publié le 5 février 2023
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