Scènes

(((Echo))) #1 au Pannonica

Il est des soirs où, sans le savoir, on est parti pour passer un moment exceptionnel. Pour la première d’(((Echo))), le Pannonica accueillait le quartet de François Merville et le sextet de Simon Goubert.


Il est des soirs où, sans le savoir, on est parti pour passer un moment exceptionnel. Le Pannonica organisait en cette fin novembre 2009 la première édition d’un nouvel événement musical : (((Echo))) [1]. Pour la première de ces trois soirées consacrées aux batteurs, la salle nantaise accueillait le quartet de François Merville et le sextet de Simon Goubert, deux figures phares de la batterie en France.


François Merville Quartet – O Mago Hermeto

F. Merville (dm), Chr. Monniot (saxes), J. Omé (g), N. Le Moullec (b)

François Merville, batteur fétiche de Louis Sclavis, s’est lancé en 2004 dans une relecture en quartet de la musique d’Hermeto Pascoal, musicien et compositeur brésilien et l’a enregistrée sur le label In Circum Girum sous le titre O Mago Hermeto (2008). Il dit de la musique de Pascoal qu’elle « est riche de sentimentalité, festive et jubilatoire, parfois naïve, excessive et alambiquée ; elle relève d’une multitude de traditions, notamment celles du Brésil et du Jazz ». Ou encore : « Le pari de ce projet est de donner à entendre, à travers une musique particulièrement typée, des sonorités et des formes actuelles, éclectiques et contemporaines. Une musique à la fois savante et populaire. » C’est réussi ! Dès les premières minutes, on est impressionné par l’univers original créé par le groupe qui, naviguant entre poésie, fureur, passages bruitistes ou mélodiques, reste parfaitement cohérent tout en ménageant des surprises.

F. Merville © H. Collon/Vues sur scènes

Christophe Monniot, aux saxophones, utilise deux micros : le premier pour retransmettre le son naturel de ses instruments et le second pour le traiter, ajouter un écho, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités de jeu. Cet intenable passera ainsi de l’un à l’autre sans pour autant que ce soit un simple jeu - il demeure constamment au service de la musique et démontre une fois de plus quel musicien il est : tantôt grand mélodiste, tantôt délirant free, avec une technique et une imagination à toute épreuve. Julien Omé est à la guitare, en lieu et place de Gilles Coronado qui joue sur l’album. Remarqué sur le Subject to Change de la Société des Arpenteurs menée par Denis Colin, il colle parfaitement au propos : que ce soit dans les parties bluesy, lors des dérapages bruitistes ou des échappées brésiliennes, il est impérial. Nicolas Le Moullec complète ce magnifique quartet en travailleur de l’ombre qui en crée les fondations indispensables, complices et toujours renouvelées. Enfin, insistons les qualités de coloriste et de rythmicien du leader, qui enrichit sa batterie d’effets électroniques propres à nourrir l’univers surprenant du groupe. Celui-ci offre ce soir-là un concert enthousiasmant de liberté, tout à fait cohérent avec la musique jubilatoire, à la fois savante et populaire, décrite par François Merville. Difficile de concevoir meilleure entrée en matière pour les soirées (((Echo)))…


Simon Goubert Sextet – Background

S. Goubert (dm), S. Domancich (p), M. Zenino (b), M. Codjia (g), B. Blanchet (ts), P. Pedron (ss, as)

Second concert, lui aussi consacré à une figure emblématique de la batterie française avec le sextet de Simon Goubert, et retour à une musique plus classique dans la forme même si l’interprétation est, elle, des plus contemporaine. Après une mise en oreille avec « C’est là, quelques fois », sorte de solo continu du leader autour des lignes de ses comparses, trois morceaux en hommage à quelques-uns des héros de Goubert : Elton Dean [[Disparu en 2006, ce saxophoniste issu de Soft Machine et de l’école free anglaise fut un des partenaires de Sophia Domancich et Simon Goubert, notamment au sein de Soft Bounds, McCoy Tyner (superbe balade durant laquelle Pierrick Pedron livre un solo magnifiquement habité) et Elvin Jones. Cette première partie reste un peu classique quand on sait de quoi sont capables les musiciens. De plus, le piano est quasi inaudible dans les ensembles, ce qui est très frustrant…

La seconde partie sera beaucoup plus intéressante, avec quelques solos mémorables, notamment celui, tout en « angularités », de la pianiste, avec sa manière toute personnelle de construire ses phrases sur des itérations. A noter également de belles interventions de Boris Blanchet – le plus free des six –, de Manu Codjia et de Michel Zenino à la contrebasse. A peine le temps d’applaudir à la et réclamer un rappel que Simon Goubert se remet derrière ses fûts (« On ne va pas se faire prier, avec plaisir ! » lance-t-il au public) pour un final décoiffant.

S. Goubert © M. Bouyer

par Julien Gros-Burdet // Publié le 29 novembre 2009

[1« À la fois onde sonore ou retour d’un signal électrique à son émetteur, (((Echo))) est désormais, une fois par trimestre, une fenêtre ouverte aux démarches singulières et aux esthétiques émergentes. (((Echo))), c’est le reflet d’une thématique abordée sous plusieurs angles tout en convoquant engagement artistique, curiosité et convivialité. C’est dans cet esprit que le premier volet du triptyque consacre trois jours à la batterie et aux batteurs. Par la suite (((Echo))) reviendra dans la saison pour vous proposer de nouvelles approches artistiques, de nouveaux lieux… »