Chronique

Denis Colin & la Société des Arpenteurs

Subject To Change

D. Colin (bcl), B. Moussay (Rhodes, électronique), J. Omé (g), S. Kerecki, A. Cuisinier (b), É. Échampard, T. Rabeson (dm), A. Berjeaut (tp), S. Hélary (fl), F. Theuillon (saxes), T. Malaby (ts)

Label / Distribution : Le Chant du Monde

2009, année des grands ensembles français ?
Après Le sens de la marche de Marc Ducret et le MegaOctet d’Andy Emler, voici la Société des Arpenteurs de Denis Colin. Comme Ducret dans son ensemble, cette société regroupe de jeunes musiciens de la scène française. Comme la musique de Ducret, celle de Colin est ouverte aux influences - africaines, américaines, européennes et se compose de ruptures et de continuité : ici, les morceaux s’enchaînent d’une traite, tout en ménageant de nombreuses surprises et brisures. Ça groove, c’est incantatoire, c’est magnifiquement arrangé et d’une grande cohésion. Le plaisir jaillit de chaque note, de chaque partie d’ensemble, de chaque solo endiablé ou habité. La musique de ces Arpenteurs est nocturne et urbaine comme une balade en voiture, vitres baissées, tandis que vous traversez une espèce de métropole universelle et que le vent frais de la nuit vous fouette le visage.

Les six premiers morceaux forment une longue suite au son d’ensemble très personnel. Les compositions de Denis Colin lui font d’ailleurs la part belle en soutien aux solistes, qu’il s’agisse du leader à la clarinette basse (quel son, quelle puissance !) sur « Hopperation » ou sur « Sonné, complètement sonné », ou bien du génial invité Tony Malaby (« Par cheminement », qui se transforme en une sorte de concerto pour sax ténor, ou « Hommes sans titre » qui démontre une fois de plus son art du solo très construit, quel que soit le contexte).
Au sein de cet ensemble de onze musiciens remarquables, soulignons l’apport fondamental de Benjamin Moussay aux claviers ; au-delà de ses solos - notamment sur « Sujet à changement » -, il en est la pierre angulaire, parfaitement épaulé il est vrai par les excellents Eric Echampard, Tony Rabeson, Stéphane Kerecki et Arnault Cuisinier (la rythmique puissante, dense et entêtante de ce groupe peu orthodoxe). On a l’impression que les musiciens vont et viennent au gré des compositions en apportant ce qu’il faut de stridences électrisées (la guitare de Julien Omé), de groove ou d’unissons (magnifique Sylvaine Hélary) pour une musique d’une grande fraîcheur, en perpétuel mouvement. Tout cela semble transcender la clarinette de Denis Colin, qui domine pourtant cet enregistrement, toute en profondeur et en fêlures, entre sensualité et énergie débordante. Enfin, il faut écouter le solo d’Antoine Berjeaut sur « Chicago Blues For Malachi » pour sa construction et la sonorité de la trompette.

Subject To Change donne envie de découvrir ce groupe en concert tant on pressent que cette Société des Arpenteurs est taillée pour la scène. En tout cas, elle possède tous les atouts nécessaires pour subjuguer n’importe quel public.