Chronique

Fire !

Defeat

Mats Gustafsson (bs, fl), Goran Kajfeš (tp), Mats Äleklint (tb), Johan Berthling (b), Adreas Werliin (dms)

Label / Distribution : Rune Grammofon

Mats Gustafsson à la flûte [1] est un ravissement. C’est la première chose que l’on constate lorsque Defeat prend place sur la platine.
Pour longtemps, c’est indéniable. Cette flûte elle trille, elle growl, elle se frappe aux parois comme un papillon de nuit dans un abat-jour, avec cette même puissance vaine qui prend peu à peu de l’ampleur, même lorsque la trompette de Goran Kajfeš vient assurer le relais pour ordonnancer un propos qui agit comme un coup de boutoir lancinant. C’est le retour de Fire!  ; le trio de Gustafsson avec le bassiste électrique Johan Berthling, remarquable de rondeur, et le batteur Andreas Werliin, après de nombreuses déclinaisons en Fire! Orchestra, où s’est croisée la fine fleur de l’improvisation transatlantique.

Avec Kajfeš à la trompette et Mats Äleklint au trombone, le trio s’est offert deux invités qui donne une belle liberté à Gustafsson. Sur « Defeat » qui donne son nom à l’album, Werliin et Berthling se lancent dans une tournerie pleine de groove dont la basse est le solide point d’ancrage et que les soufflants rejoignent comme les vagues successives arrivent sur la côte ; débarrassé de toute tâche rythmique, Gustafsson est une lame de fond profonde et tellurique, de retour au baryton qui tranche avec la clarté des invités.
L’iceberg et sa face cachée. Äleklint, qu’on a déjà entendu avec Goran Kajfeš dans l’orchestre Angles 9 est particulièrement brillant, véritable courroie de transmission entre la base rythmique, solide et puissante, et Gustafsson qui joue le parfait électron libre. Dans la suite « Each Millimeter of The Toad », et singulièrement dans la seconde partie, il est même la charpente de l’orchestre qui permet à Gustafsson de libérer une rage motrice, pleine de la noirceur qui habite cet album ; quant à « Defeat », le tromboniste y offre un remarquable solo.

On songe à ce moment à Rob Mazurek (notamment T®opic) ou Ken Vandermark pour la dynamique collective, assez éloigné finalement de ce que Gustafsson peut proposer dans son mythique trio The Thing. Même si le son inimitable de son baryton est immédiatement identifiable sur le final « Alien (on my Feet) », morceau plus déconstruit qui clôt un album pensé comme un vinyle avec ses deux faces en miroir. Reste le choc initial de la flûte, sur « A Random Belt, Rats You Out » qui a lui seul vaudrait des écoutes successives.
Mats Gustafsson et ses amis ont l’art de vous maintenir aux aguets, de vous tenir sur le fil avec une tension de chaque instant. C’est un beau cadeau que nous offre le label Rune Grammofon. De quoi, une fois n’est pas coutume, transformer une sombre Defeat en victoire éclatante. Celle d’une grande liberté.