Chronique

Illyes Ferfera Quartet

Tamazûn

Illyes Ferfera (ts, as, perc), Simon Chivallon (p), Arthur Henn (b), Tom Peyron (dms)

Label / Distribution : Absilone

Membre fidèle du Wanderlust Orchestra d’Ellinoa, le saxophoniste Illyes Ferfera anime depuis quelques années un quartet où il peut mener de front son solide bagage jazz, ancré dans une grammaire résolument contemporaine, et un héritage méditerranéen descendu des montagnes de Kabylie, fait de rythmes impairs et de goût pour les motifs courts en ostinato, tel qu’on peut l’entendre sur l’excellent « Kan ya ma kan PM », où le saxophone se mesure à une base rythmique solide. La batterie de Tom Peyron s’offre avec gourmandise aux circonvolutions du ténor, bien lancées par le jeu très rond d’Arthur Henn, son camarade contrebassiste du Wanderlust. L’orientalisme du quartet n’est pas le chemin principal, juste une couleur donnée à des compositions impeccables. À ce titre, c’est le piano de Simon Chivallon qui fait office de contrepoint, gardien d’une ligne de conduite joyeuse mais inébranlable, à l’image du bel « Orage sur Recife » où le piano se fait concertant.

Ferfera et Chivallon sont également membres du quintet de Gaël Diaz, et leur complicité est la clé d’un album où le climat et la sensation vaporeuse priment sur le récit. Illyes Ferfera souhaite évoquer des souvenirs dans son Tawazûn, se remémorer une double culture qu’il incarne à merveille avec son pianiste. « Messiaen fi el Houma » en est l’exemple le plus direct, mélangeant quelques oiseaux de passage du compositeur dans l’effervescence d’un quartier populaire d’Alger. Dans ce morceau, l’alchimie entre le clavier et le saxophone est idéale, bien ponctuée par une échappée belle d’Arthur Henn..

C’est néanmoins dans le long « Tawazûn » que l’essence du quartet se révèle dans une ligne claire et simple, faite d’accélérations subtiles de la batterie et d’une élégance de chaque instant du clavier. En quelques mois, c’est le second disque qui paraît avec comme arrière-plan un attachement aux racines méditerranéennes et à la chaleur du Maghreb. Quelque part, ce beau disque d’Illyes Ferfera s’inscrit dans une démarche similaire à Wajdi Riahi, en ne faisant pas de l’origine un sujet mais plutôt une couleur, une évidence des influences. Avec une écriture aussi souple que son jeu, le saxophoniste signe un premier album réussi qui se termine par une belle relecture de « Dans l’eau de la claire fontaine » de Brassens.