Ingrid Laubrock & Tom Rainey

L’intimité est forcément au coeur de Brink, le nouvel album en duo du batteur Tom Rainey et de sa compagne, la saxophoniste Ingrid Laubrock. Depuis près de sept ans, le rendez-vous est devenu une habitude qui se régénère facilement, avec un point d’orgue durant les confinements, comme se fut le cas pour une autre famille du jazz international, Satoko Fujii et Natsuki Tamura. Ce qui ferait un très beau quartet, soit dit en passant. On se souvient l’an passé de Counterfeit Mars, dernier exercice en date de ce duo ; Brink est du même acabit, renouvelant l’échange tel que « Coaxing » souhaite le faire : un saxophone puissant, d’abord plein de quiétude avant d’atteindre un point de rupture savamment préparé par la batterie. On a le sentiment avec ce duo que rien n’est incongru ou surprenant, tout s’harmonise avec naturel et douceur, jusqu’à une colère enrobée de caresses.

Le jeu extrêmement coloriste de Tom Rainey y est pour beaucoup. S’il fallait une définition musicale du flegme, il n’y aurait pas à chercher longtemps : « A Peculiar Logic » le démontre, avec ce luxe de détails minimaux et de caresses de métal qui vient polir le son devenu acide du soprano de Laubrock. Il n’y a ni démonstration ni forfanterie dans le jeu du batteur, juste une écoute de chaque instant qui permet de pousser sa compagne à chercher plus loin, à franchir la barrière des détails. Plus loin, avec « Arrival of Never », on comprend que le schéma voulu par le duo consiste en une idée proposée par Ingrid Laubrock dont Tom Rainey se saisit.

Constitué de morceaux courts, de petits instantanés fugaces, Brink est le disque de la concorde. Il faut souligner aussi cette décontraction collective qui rend grâce à une musique de l’instant où chaque morceau est pleinement investi dans un jazz très contemporain. Le duo ne cherche ni à briller, ni à renverser la table, mais à s’exprimer avec un langage propre à visée universelle : celle de la compréhension mutuelle et de la collaboration qui va plus loin à chaque occasion.