Chronique

Initiative H

Dark Wave

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

Initiative H avait marqué les esprits avec son premier album, Deus ex Machina. On avait notamment pu mesurer le travail titanesque d’écriture et d’arrangement réalisé par le saxophoniste et leader du groupe David Haudrechy. Et voici qu’un an et demi plus tard, sort Dark Wave, le nouvel album du groupe. Le line-up est quasiment identique, composé d’une partie de la fine fleur des musiciens toulousains. Quasiment identique puisque Cyril Latour a remplacé Nicolas Algans à la trompette, mais étoffé d’invités dont certains au pedigree prestigieux. Car, outre les chanteuses Claire Suhubiette et Lou Ferrand-Suhubiette, au talent indéniable, participent à ce projet Vincent Artaud au clavier, Emile Parisien au saxophone soprano et Médéric Collignon au saxhorn et à la voix. Leur participation, comme en témoigne le long et génial chorus de Collignon à la voix sur « Blackout » ou celui de Parisien sur le même morceau, n’est nullement anecdotique - pas plus qu’elle n’en constitue la caution médiatique. Ce serait d’ailleurs se méprendre lourdement. Car comment imaginer Parisien et plus encore Collignon investis a minima ? Sur les morceaux dans lesquels ils interviennent, l’engagement est à 200%.

Comme dans Deus ex Machina, Dark Wave est une entité. L’ouverture par le morceau qui a donné son nom à l’album, est une suite de motifs déclinés en près de sept minutes, comme une mise en abyme. Dans cette introduction, ni chorus, ni improvisation, à l’exception de quelques mesures par Vincent Artaud. En revanche, l’entrée en matière, quelquefois minimaliste, quelquefois grandiose, d’un album concept traversé par une même idée : la mélancolie dont la référence à la Dark Wave, mouvement musical né dans les années 1970 en Europe, ne rend compte que très imparfaitement. Car chez David Haudrechy, et à l’instar de Deus, cette vague renvoie directement à l’univers de la glisse, du surf, de l’océan. Les vocalises saturées de Médéric Collignon, celles des chanteuses, les chorus des uns et des autres, le Band qui déferle, tout est fait pour décrire la mer d’huile, l’océan furieux et surtout un continuum de sentiments, entre magnificence et angoisse, face à l’immensité. D’ailleurs, à l’exception du dernier morceau, « Time to Pretend », tout est écrit en mode mineur. Ainsi « Lost in Paradise » illustre ces marins coincés dans les glaces arctiques. Certains sont indifférents, d’autres deviennent dingues tandis que les troisièmes sont touchés par la grâce de cette immensité. Trois manières de réagir quand on est face à la solitude. Le morceau rend compte en trois parties de ces états, tandis que d’un bout à l’autre, sinon lorsque la folie prend le dessus, un sonar pulse. Ces mêmes images ont bien entendu donné « Silent Storm » dont on retiendra notamment un superbe chorus de Nicolas Gardel à la trompette.

Convoquer les éléments les plus spectaculaires (tempête, ouragan…) pour décrire Dark Wave serait un exercice de style vain, mais on exagère à peine en disant qu’on sort fort secoué du dernier projet d’Initiative H.

par Gilles Gaujarengues // Publié le 11 octobre 2015
P.-S. :

David Haudrechy (composition, direction, saxophone soprano, voice, additional sound), Ferdinand Doumerc (as, fl), Gaël Pautric (bs, bcl, cl), Nicolas Gardel (tp), Cyril Latour (tp), Olivier Sabatier (tb), Lionel Segui (btb), Amaury Faye (p, rhodes), Florent Hortal (g), Julien Duthu (b), Pierre Pollet (dms), Florent « Pepino » Tisseyre (perc), Vincent Artaud (synthétiseur), Médéric Collignon (saxhorn, voc), Emile Parisien (ss), Claire Suhubiette (voc), Lou Ferrand-Suhubiette (voc)