Le jazz a sa tribune depuis 2001

Edition du 24 mars 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Jazz au « Pôle Sud » (Strasbourg) de mars à mai

Communiqué :

  • Vendredi 16 mars à 20h30
    Bojan Z « Xenophonia »
    Le talent de A à Z

L’une des références actuelles du jazz « made in France » est née en 1968 à Belgrade. Au tournant des années 1990, on découvrait à Paris le style vif, limpide et original d’un jeune pianiste nommé Bojan Zulfikarpasic, qui évoluait alors au sein du vivier underground de la jeune scène française, Trash Corporation, groupe (éphémère) d’une aventureuse avant-garde qui comptait en ses rangs Noël Akchoté et Julien Lourau. Henri Texier n’a pas tardé à engager le pianiste pour en faire l’un des piliers de son groupe Azur Quartet, propulsant du coup au firmament celui que l’on a désormais appelé Bojan Z.

En quelques années, le musicien, par ailleurs pianiste attitré du quintet de Michel Portal, impose sa griffe - mélange inédit d’essence jazz et d’héritage de traditions populaires balkaniques - et réalise plusieurs projets audacieux, en solo, quintet ou trio américain. Avec « Xenophonia », son tout dernier opus, Bojan Z s’éloigne définitivement de l’orthodoxie jazz. Avec ses complices Rémi Vignolo (contrebasse) et Ari Hoenig (batterie), il offre un condensé brillant, insolite et étonnamment homogène de son parcours : on se délectera ainsi de ses reprises de thèmes échappés de son adolescence (« Ashes to Ashes » de David Bowie, « The Mohican and The Great Spirit » d’Horace Silver), du son « dirty » de piano trafiqué qui rappelle sa période Trash Corporation, de ses fulgurances à la Zappa, de son blues à l’accent des Balkans… et surtout de cette délicieuse impression de vivre un moment unique.

Bojan Z piano
Rémi Vignolo contrebasse
Ari Hoenig batterie

  • vendredi 23 mars à 20h30
    Jason Moran and the Bandwagon
    Voyage en première classe

Voilà un musicien qui, à lui seul, pourrait contredire tous les puristes qui pensent encore qu’après Tatum, Monk et Ellington, rien de neuf ne peut sortir d’un piano jazz. À 28 ans, Jason Moran est le passé, le présent et le futur d’un jazz noir américain encore en mouvement. Avec sa fausse désinvolture et sa dégaine sortie d’un film des années 50, il est le type même de l’entertainer intelligent qui, dès les premières notes, parvient sans effort à enflammer le public. Mais que l’on ne s’y trompe pas : derrière cette apparente nonchalance se cache un virtuose cultivé, un visionnaire rompu à toutes les techniques du jazz. Jason Moran fait ainsi partie des très rares pianistes actuels à savoir jouer “stride“, ce style né à Harlem dans les années 20, inspiré du ragtime et ayant évolué vers une forme plus swing et plutôt improvisée.

« Le stride me guide, mais ne me limite pas, dit-il. L’important, lorsqu’on adapte les vieilles techniques, c’est la façon d’y penser ». Et pour cause : personne d’autre que lui ne parvient à naviguer avec autant de naturel entre improvisation et composition, jazz de répertoire et nouvelles technologies expérimentales, blues caressant et néo-free énervé, effets électroniques et rythmes hip-hop. Capables d’étayer les vagabondages improvisés du pianiste comme d’en stimuler les ardeurs, Tarus Mateen (basse) et Nasheet Waits (batterie) composent la section rythmique redoutable de ce “Bandwagon“ de première classe qui emmène le jazz vers des contrées jusque-là inexplorées. Ne manquez surtout pas le train…

Jason Moran piano
Tarus Mateen basse
Nasheet Waits batterie

  • Vendredi 13 avril à 20h30

Bernard Struber Jazztett : « Les noces de Dada »
Hommage à Frank Zappa
Musique de chambre électrique

Très attaché à sa région, Bernard Struber, Django d’Or 2004, est un musicien d’exception, un électron libre aux oreilles toujours en éveil, un formidable catalyseur d’énergie. À la tête du big-band l’ORJA (Orchestre Régional de Jazz d’Alsace) qu’il fonde en 1988, il impose rapidement son écriture singulière, entre jazz, musiques contemporaines et rock, et amène la formation vers un niveau de qualité rarement atteint par ce genre d’orchestre. En 1997, suite à la rencontre avec Louis Sclavis, l’ORJA évolue en un jazztett de neuf improvisateurs parmi les plus doués de leur génération (Éric Échampard, Benjamin Moussay, Jean-Marc Foltz ou Frédéric Norel).

C’est en 2001, à l’occasion du Festival Nancy Jazz Pulsations, que Struber, familier de Steve Potts, Archie Shepp ou Biréli Lagrène (et par ailleurs créateur de la classe jazz du Conservatoire de Strasbourg), commence son travail sur le plus génialement subversif des compositeurs américains : Frank Zappa, compositeur précoce venu à la musique par Edgar Varèse, auteur de près de 70 albums transgressant tous les codes musicaux et chef de file d’une contre-culture passée à l’action politique. Fasciné par l’éclectisme de l’univers « zappatesque » (mélange unique de rythm’n’blues, musique contemporaine, graphismes dadaïstes, inventions sonores, liberté du jeu guitaristique, théâtre musical et « vigilance citoyenne »), Bernard Struber nous offre ici le fruit d’un travail décennal sur l’artiste et son « electric chamber music », dans le premier programme Zappa jamais joué à Strasbourg, à découvrir sur un disque à paraître début 2007 : « Les Noces de Dada ».

Michaël Alizon saxophones
Serge Haessler trompette
Jean-Marc Foltz clarinettes
Raymond Halbeisen bois
Frédéric Norel violon
Bernard Struber guitare, clavier, direction,
Benjamin Moussay piano
Jérémy Lirola contrebasse
Eric Echampard batterie

  • Vendredi 4 mai à 20h30
    « Le long voyage de Lena »
    Concert/Projection BD d’après Pierre Christin et André Juillard
    Bulles d’art

Alain Rellay est le co-fondateur de l’ARFI, le fameux collectif lyonnais en quête de « folklore Imaginaire » qui suscite des rencontres interdisciplinaires « dans l’espoir qu’entre choc frontal de cultures et contagions subtiles, quelque chose passe ». Réinventant de nouvelles passerelles entre jazz, musiques improvisées et spectacle vivant, Rellay, fort de sa grande expérience de musicien de ciné-concerts, avait créé en 2003 le concept inédit de « BD-concert » : la mise en musique d’une œuvre du 9ème Art dans le respect intégral des dessins et du texte, l’animation consistant à faire des travellings et des zooms sur les images afin de faciliter la lecture des bulles.

Présenté à Pôle Sud lors de la saison dernière, le premier de ces BD-concerts, « La Ville qui n’existait pas » (sur une œuvre d’Enki Bilal et Pierre Christin), a rencontré un si vif succès que Pierre Christin et Rellay ont décidé de récidiver. Leur nouveau projet, réalisé autour du « Long Voyage de Lena », dernier album de Christin avec le dessinateur André Juillard, nous embarque dans une incroyable histoire d’espionnage, qui, de Berlin Est en Australie en passant par la Roumanie, la Syrie, la Turquie et l’Argentine, mène la fameuse Lena sur les traces d’un apparatchik déchu de la défunte D.D.R, d’une chimiste roumaine, d’un ancien patron ukrainien des services secrets soviétiques ou encore de faux épiciers syriens. On peut compter sur l’excellent quartet d’Alain Rellay pour mettre en relief - alternant subtilement plages écrites et improvisation libre - tous les climats de ce mystérieux voyage.

Jean-François Baez accordéon
Didier Levallet contrebasse
Jean-Charles Richard saxophones
Alain Rellay saxophone