Jessica Pavone

On sait depuis le début de cette décennie que le travail de l’altiste Jessica Pavone peut être résolument différent de ce qu’elle propose avec un String Ensemble à géométrie variable : de Joanna Mattrey (Brick and Mortar) à Erica Dicker (Lost and Found), nombreuses ont été les musiciennes à s’intégrer dans une formation qui évoque la consonance et la sororité des cordes et où le minimalisme et le travail sur le son se revendiquent éléments de base. Parti de l’idée du quatuor à cordes classique (ou peu s’en faut, deux violons, deux altos), cet espace de réflexion sur le son et la matière franchit un nouveau cap avec Reverse Bloom, toujours paru sur l’excellent label Astral Spirit.

C’est en trio désormais [1], que Jessica Pavone propose ses compositions. À l’écoute de « Three Trees », on perçoit la volonté de l’altiste de se diriger vers un son compact, où la dissonance nourrit un fil dru qui s’harmonise au gré d’un chaos minuscule, un big bang de l’infiniment petit où l’alto est à la fête, dominant dans ce rapport à trois archets un violon esseulé. Pour l’accompagner dans cette expression très sensible, Pavone peut compter sur Abby Swidler, la fidèle camarade qui sait se faire transformiste, passant du violon à l’alto au gré des morceaux. Enfin, au violon seul, véritable point de fixation de ce disque, c’est Aimée Niemann, déjà présente sur …Of Late, qui fait office de stabilisatrice de l’orchestre.

Reverse Bloom est l’un de ces disques, comme Lull ou Clamor dont le trio était au cœur de l’orchestre, où Jessica Pavone peut exprimer un travail remarquable de compositrice. À l’inverse de l’urgence, Reverse Bloom est un jeu de patience, où les sons s’agglomèrent comme autant de fils nerveux, sensibles et immatériels sans pourtant jamais sembler fragiles. De tous les disques proposés par son String Ensemble, Reverse Bloom est sans doute le plus abouti, du moins celui qui fait le mieux écho à l’ensemble de l’œuvre de cette grande altiste.