
Julie Campiche Quartet & Capella Jenensis
Transitions
Julie Campiche (harp), Leo Fumagalli (ts), Manu Hagmann (b), Clemens Kuratle (d) + Capella Jenensis.
Label / Distribution : Nwog Records
Maîtresse électronicienne et douée d’une approche très contemporaine de son instrument, il est des terrains où l’on attendait pas forcément la harpiste Julie Campiche, et encore moins son quartet qui nous avait habitués à plutôt porter leurs regards vers le futur. Mais voir son propos souligné par le passé, par la musique ancienne et baroque, mélanger sa poésie à l’ancien immuable et indémodable n’est pas forcément opérer une volte-face : « Aquarius », déjà présent sur You Matter, le dernier album du quartet, s’éveille ici au son des violes de gambes et de la flûte baroque de Capella Jenensis, un consort de Thuringe ; ça n’empêche pas le batteur Clemens Kuratle, très pertinent dans ce contexte en dehors du temps, d’insister sur les reflets électroniques de ses rythmiques. Quant à Léo Fumagoli, son saxophone se marie à merveille avec la flûte d’Annegret Dudek. Ce n’est pas une fusion, ou un quelconque dialogue aux antipodes. C’est une recherche commune d’un langage véhiculaire qu’on appellerait musique.
Le talent de Julie Campiche réside dans sa façon d’aborder la musique ancienne avec sa propre esthétique. Notons bien entendu que la harpe se fond avec bonheur dans tous ces univers : « Musette » de Marin Marais est l’occasion de juger de son talent pour l’arrangement : la contrebasse de Manu Hagmann et la batterie de Kuratle s’amalgament avec bonheur dans la pâte orchestrale des violes, laissant les deux soufflants amener une lumière que la harpe irise. Comme d’habitude avec Campiche, aucune tentation de joliesse ou d’éther dans son jeu, au contraire un souci permanent de mouvement collectif qui cherche à faire jouer ses partenaires et à instaurer des climats, souvent très cinématographiques.
Ainsi « H-Cab », écrit pour l’occasion de cette rencontre, s’ouvre sur un travail plein de finesse de Kuratle dans une atmosphère très scénarisée où Dudek est mise très en avant. Son dialogue avec Julie Campiche est cristallin et lumineux, d’une grande simplicité pourvoyeuse d’images, ce qui rend le propos moderne et urbain. Il ne s’agit pas là d’un paradoxe, puisque le quartet de Julie Campiche ne dévie pas de ses couleurs habituelles en s’invitant auprès du Capella Jenensis : chacun fait un pas, c’est le schéma de Transitions, et le résultat est brillant, à l’instar des deux parties très oniriques du « Perche al’Viso » de Jacques Arcadelt, maître flamand du XVIe siècle.