Chronique

Julie Campiche Quartet

You Matter

Julie Campiche (harp, fx), Leo Fumagalli (ts), Manu Hagmann (b), Clemens Kuratle (dms)

Label / Distribution : Enja Records

Deux ans après Onkalo, son précédent album en quartet, on retrouve la harpiste Julie Campiche avec le même orchestre. Entre deux, l’ancienne d’Orioxy a travaillé un solo étourdissant, qui lui a permis de perfectionner le langage de son instrument et son goût pour l’électronique. Moins onirique que son précédent orchestre où elle avait rencontré le contrebassiste Manu Hagmann, le son du quartet garde une certaine évanescence, bien qu’ancré dans le réel. Onkalo évoquait beaucoup l’environnement, You Matter en est encore durablement imprégné et s’ouvre à d’autres cruciaux combats. On s’en convaincra à l’écoute du très beau « Fridays of Hope » dédié à Greta Thunberg et ses grèves du vendredi. « Wake up », suggère Julie dans un souffle électronique ; la basse de Hagmann se fait plus virulente et la batterie de Clemens Kuratle cherche l’urgence. « I want you to act », nous intime-t-elle. Le rêve se brise peut-être mais l’espoir est là, dans un solo final de harpe. Ce n’est pas parce que le temps est compté qu’il ne faut pas danser.

On est en terrain familier avec Julie Campiche. Dans « Underestimated Power », aux côtés du saxophone Leo Fumagalli qui quitte son rôle souvent atmosphérique pour porter le fer aux côtés des cordes, elle conte une autre histoire ; celle d’une fragilité apparente qui prend conscience, celle d’une unité qui ne rompt pas, celle d’une puissance qui se découvre à pas comptés et qui ne sait pas exister sans le collectif. Lorsque c’est le quartet qui s’exprime, à l’instant où Kuratle entre dans la mêlée après quelques glissements d’archet de contrebasse, le saxophone se sent prêt à faire le coup de poing. Il n’y a pas de rage cependant, et même une once de douceur qui, intelligemment, ne naît pas de la harpe mais de l’archet.

La jeune Helvète s’est beaucoup nourrie de sa propre expérience soliste pour donner à musique une empreinte familière. Dans « Aquarius », qui ouvre l’album entre douceur et colère sourde, on perçoit l’alchimie secrète de la musicienne et de son instrument. Avec ses semelles de vent, Julie Campiche a l’empreinte légère : elle est faite de rêves qui ne sont jamais trop sucrés et d’espoirs qui ne sont jamais trop petits. La seule certitude que l’on aie, sur les empreintes de ce quartet, c’est qu’elle ne sont pas carbonées : seul le plaisir est renouvelable.

par Franpi Barriaux // Publié le 5 mars 2023
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