Chronique

Julie Campiche Quartet

Onkalo

Julie Campiche (hp, elec, fx), Manu Hagmann (b), Leo Fumagalli (ts, elec, fx), Clemens Kuratle (dms)

Label / Distribution : Meta Records / Socadisc

On connaît Julie Campiche parce qu’elle est l’une des jeunes harpistes européennes qui, à la suite d’Isabelle Olivier, ont débarrassé la harpe de son image trop policée pour en faire un instrument comme les autres, sans fantasmes… mais avec un fort potentiel onirique. Potentiel qui s’était jusqu’ici déployé dans Orioxy, lieu d’étrangeté et de mélange d’ombres et de lumières, de couleurs vives et de pastel altéré par l’électronique. Cet espace désormais clos, il fallait un nouveau terrain de jeu à Julie Campiche, et c’est de nouveau en quartet qu’elle s’exprime ; elle a embarqué avec elle l’excellent bassiste Manu Hagmann, et cette moitié d’Orioxy a invité deux nouveaux compagnons, dont l’excellent batteur Clemens Kuratle, un talent émergent de la scène suisse dont nous aurons, gageons-le, tout loisir de reparler. La synergie de « Flash Info », qui ouvre l’album sur une dichotomie, un jeu musical entre jazz énergique et harpe faussement languissante, en apporte la certitude.
 
Avec Onkalo, on est dans l’univers de Julie Campiche. Il est moins enfantin que son précédent orchestre, mais tout aussi poétique et sensible. Avec le saxophoniste Leo Fumagalli, elle s’offre un joli voyage « To The Holy Land » où l’électronique est relativement discrète : à peine altère-t-elle les cordes de la harpe pour offrir un spectre plus large. Il y a beaucoup de douceur dans cet album, mais aussi une noirceur et une angoisse latente qui viennent assombrir une ambiance très lumineuse (« Dastet Dard Nakoneh » ouùù Kuratle fait encore merveille…).

C’est justement tout le sujet du morceau « Onkalo » qui donne son titre à l’album paru chez Meta Records. Ceux qui ont eu la chance de voir Into Eternity de Michael Madsen [1] sauront de quoi il s’agit, et les traits inquiets de la harpe, alourdis d’électronique comme d’autres de métaux lourds, retranscrivent à merveille le sentiment d’excavation infinie et périlleuse. Pour les autres, Onkalo est un site d’enfouissement de déchets radioactifs finlandais vertigineux et inquiétant. Paradoxalement beau. Manu Hagmann y souffle le vent, le saxophone de Fumagalli y évoque la descente sans fin et Julie Campiche y distille toute l’électricité possible. La tension est extrême, et le disque sur un fil. On en ressort secoué mais certain de ne jamais avoir quitté la lumière…

par Franpi Barriaux // Publié le 15 mars 2020
P.-S. :

[1Documentaire de 2010, profond, abyssal, esthétique et terrifiant, NDLR.