Chronique

Orioxy

Lost Children

Yael Miller (voc), Julie Campiche (harpe), Manu Hagmann (b, elb), Roland Merlinc (dms).

Label / Distribution : GLM Music

Après Tales en 2011 et The Other Strangers en 2013, Lost Children est le troisième rendez-vous discographique du quatuor Orioxy, emmené par la chanteuse israélienne Yael Miller et la harpiste suisse Julie Campiche. Une formation qui, dans une relative discrétion, continue de tracer une route singulière dont l’onirisme, pour ne pas dire le caractère mystérieux et parfois inquiet, est exempt de toute mièvrerie ou tentation folklorique. Orioxy, c’est un monde à part.

Tout ce qui fait qu’on aime chez Orioxy depuis ses premiers pas se trouve une fois encore sur ce disque qui bénéficie du concours de la même rythmique que son prédécesseur. Manu Hagmann (contrebasse et basse électrique) et Roland Merlinc (batterie) ont un beau défi à relever puisqu’ils doivent veiller à préserver un lyrisme s’exprimant dans l’évanescence de compositions épurées, où chaque note semble comptée, comme un trésor à ne pas dilapider. Un exercice d’équilibre dont ils s’acquittent parfaitement en multipliant les formes au milieu desquelles la contrebasse est tour à tour pulsion ou tension, en particulier quand elle est jouée à l’archet ; Hagmann et Merlinc assurent une rythmique souple et féline qui laisse le champ libre à deux musiciennes habitées peuplant leurs chansons de rêves au parfum d’énigme.

À mille lieues des banalités débitées à longueur de radios ou télévisions, il faut vraiment évoquer un « langage Orioxy » : chanté, susurré, au besoin crié ou parlé, en anglais, en français et en hébreu par Yael Miller, tour à tour enfantine et sensuelle (elle reçoit sur « Bachour Meshouamam » le soutien de Sami Darg Team, groupe de rap palestinien formé à Gaza il y a quelques années). Comme en écho instrumental à cette voix de l’envoûtement, on est captivé de minute en minute par la harpe mutine de Julie Campiche, véritable ensorceleuse des notes qui dessine les paysages magnétiques d’une planète inclassable, quelque part entre jazz, folk et rock mais dont l’atmosphère est toujours nimbée d’un voile de poésie brumeuse. Une harpe aux mystères qui tisse une toile aux motifs à la fois complexes et colorés et vient se lover dans les entrelacs des cordes cousines de la contrebasse (ou de la basse électrique).

Du début à la fin Orioxy retient l’attention, et sa volonté d’entrouvrir seulement la porte de son imagination – car il ne faut pas livrer tous ses secrets – est un atout majeur. Même « Blackbird » des Beatles, repris en conclusion de l’album, semble paré de songes brûlants, témoins d’un état d’apesanteur. Yael Miller et Julie Campiche sont aux avant-postes d’un monde à la fois enchanté et douloureux qui n’est pas sans évoquer parfois celui de la grande Kate Bush. Soit une certaine définition de la beauté. On se laisse sans réserve prendre dans ses filets.