Kama Kollektiv
As I Lived a Different Life
Kirsi-Marja Harju (voc, tp, lyre), Ida Alanen (cla), Jonathan Nagel (b), Joe Korach (d)
Label / Distribution : Sonna Records
Depuis Toivo, album que nous avions chroniqué en 2021, Kama Kollektiv a évolué ; le centre géographique du trio est certes toujours Amsterdam, mais les claviers voient l’arrivée d’une seconde Finlandaise aux côtés de la chanteuse et trompettiste Kirsi-Marja « Kiki » Harju. Ida Alanen est originaire d’Helsinki où elle fait partie d’une jeune génération très prometteuse. Installée depuis peu aux Pays-Bas, elle s’intègre parfaitement dans l’atmosphère onirique et vaporeuse qui marque les chansons teintées de pop de Kiki Harju, à l’image de « The Essential » où l’archet de la contrebasse de Jonathan Nagel accompagne le piano comme au sortir des abysses. Lorsque la chanteuse pose une voix douce et très pastel, sans volonté de performance ou d’éclat, c’est la rythmique qui domine, notamment la batterie de Joe Korach, réduite à l’essentiel pour faciliter la narration ; et puis la trompette arrive, claire et lumineuse pour que l’orchestre décolle dans un espace illimité où tout semble possible.
Kama Kollektiv est un remarquable conteur d’histoires qui trouve dans cette évocation de mondes multiples, de multivers narratifs, l’occasion d’envisager différentes couleurs. Ainsi « Dream In a Dream » est un morceau cotonneux où le piano d’Alanen se fait aérien autour d’une contrebasse légère et puissante, qui semble pouvoir aller n’importe où sans flancher. Lorsque la voix d’Harju emprunte cette route sinueuse, elle est ombre quand sa trompette est lumière, le tout s’enchaînant avec une fluidité délicate, comme un changement progressif et inéluctable. Idem dans « As I Lived a Different Life » qui offre le morceau le plus pop de l’album du même nom : d’abord simplement accompagnée du piano, Kiki Harju laisse place à une contrebasse qui développe une ligne claire sans grandiloquence. La voix fait tout, elle est entière.
On avait dans le précédent album, comparé Kama Kollektiv aux Suisses d’Orioxy, la ressemblance est toujours frappante dans sa richesse. C’est certainement « Tiimalasi » qui constitue la plus belle réussite de cet album. Dans le texte en finnois, il est question de sablier, et c’est une belle évocation du temps qui se déroule sous la frappe sèche de la batterie soudainement urgente de Korach et la contrebasse dans la même démarche. Face à cela, Kiki Harju s’amuse, à la trompette d’abord puis en usant d’une voix moins sucrée qu’il n’y paraît. Quel que soit l’univers déniché ou la couleur choisie, Kama Kollektiv se sent chez lui.