Chronique

Large Unit

Ana

Label / Distribution : PNL

Large Unit est mouvant parce que Large Unit est vivant. Enregistré à 14, joué à 11 ou 15 membres, quand les circonstances le permettent, le but principal n’étant pas le nombre de joueurs mais le score qu’ils atteignent, boosté par Paal Nilssen-Love. Le batteur tient ici à le rôle de frère, volontiers bagarreur, provoquant, et de père nourricier. Ce double jeu lui permet de prendre les devants ou la tangente sans mise en scène. Il génère l’action, non la réflexion.

Après avoir poussé le Chicago Tentet de Brotzmann jusqu’à des sommets d’intensité, Paal Nilssen-Love devient enfin lui-même passeur et convie treize représentants de la jeune garde scandinave et internationale dans son premier ensemble à lui. Six soufflants, deux bassistes (qui passent allègrement de l’électrique à l’acoustique), deux percussionnistes brésiliens recrutés pour leur apports à la cuica, au pandeiro (tambours et tambourins) et berimbau (arc à corde unique) et un second batteur Andreas Wildhagen faisant courageusement face au chef d’orchestre.

Certains sont aussi membres du Pan Scan Ensemble (comme la saxophoniste et flûtiste Julie Kjær, rare femme) d’autres sont invités spontanés. J’ai eu la chance de voir Large Unit se produire au Natt Jazz Festival en mai 2017 à Bergen. Ce concert marquait l’intégration d’un jeune accordéoniste d’une vingtaine d’années, qui a su tirer son épingle du jeu et surprendre par vagues électroniques, décrochages et prises d’initiatives mélodiques épileptiques. Car ici le rythme est roi. Les thèmes sont simples, presque laissés à l’état de jeu, de tâtonnement, mais non livrés au hasard ; chaque sonorité est un pays pour que chaque concert devienne ce terme ailleurs fourre-tout qui prend ici tout son sens : une musique du monde.

Même si l’on peut reprocher au disque une certaine monotonie, une répétition ostentatoire, l’intention du batteur norvégien est claire : « Partant d’une énergie toujours absolument primitive, voyons jusqu’où l’imagination, mise au service d’un son d’ensemble colossal, galope ».

Trois morceaux aux énergies variées constituent ce Ana qui émeut parfois par sa fraîcheur, sans fioritures ni bavardage (de là à dire que l’écriture y est sèche ou brutale, il n’y a qu’un raccourci qu’aucun amateur n’osera emprunter). Comme sur la plupart des projets auquel Nilssen-Love participe, l’animalité du jeu permet d’emprunter maint territoires. Paulinho Bicolor incruste des airs de samba, le tuba de Per Ake Holmlander celui des fanfares, des big bands sud américains ou éthiopiens. Le reste découle de l’instant et de vos envies.

par Anne Yven // Publié le 20 juin 2017
P.-S. :

Thomas Johansson (cnt, bugle), Mats Äleklint (tb) Julie Kjær (as, fl), Klaus Holm (as, bs), Per Åke Holmlander (tu), Ketil Gutvik (el g), Tommi Keranen (electronics), Jon Rune Strøm, (b) Christian Meaas Svendsen (b), Andreas Wildhagen (dm), Paal Nilssen-Love (dm)