Chronique

Laurent Rochelle - Okidoki quartet

Si tu regardes

Laurent Rochelle (clb, ss), Frédéric Schadoroff (p), Olivier Brousse (cb), Eric Boccalini (d), Anja Kowalski ’voc)

Label / Distribution : Linoléum

Laurent Rochelle fait partie de ces musiciens malheureusement trop discrets. On l’avait vu au tournant du siècle avec Monkomarok, un trio par la suite augmenté de la chanteuse Alima. Parallèlement, il avait initié le Lilliput Orkestra, un quartet instrumental de haute volée. Indépendamment de ces deux expériences, entre 2005 et 2012, il a participé au spectacle Princesses oubliées ou inconnues chanté par Catherine Vaniscotte, à Bouffeurs de noix de Damien Poupart Taussat, a formé un duo avec Marc Sarrazy dont est sorti Intranquillité. Il a également formé le GLE, un big band aux accents de Frank Zappa issu de la conjonction du Lilliput Orkestra avec le Grand Chahut Ensemble ; un disque en est sorti, Suites erratiques. Il a donné à la musique improvisée avec Dieter Arnold et a beaucoup écrit et joué pour des spectacles de marionnettes. Il s’agit donc d’un musicien prolixe dont la discrétion médiatique signifie avant tout que la création ne se marchande pas.

Sur Si tu regardes, on trouve le batteur Eric Boccalini, qui joue en duo avec Didier Dulieux et a longtemps collaboré avec Didier Labbé, le pianiste Frédéric Schadoroff ainsi que le contrebassiste Olivier Brousse qui était déjà dans le Lilliput Orkestra. Et puis la chanteuse Anja Kowalski qui intervient sur trois morceaux dont le très beau « Morgen » en introduction de l’album. A la demande de Laurent Rochelle, le chant est ici majoritairement en allemand car, pour lui, il s’agissait d’intégrer cette voix et cette langue avec sa texture, sa tessiture, ses sons. D’en tirer de la matière. Et de fait, il s’agit d’un disque délicat constitué de feutre et de bois. Quelquefois, les phrases sont nerveuses, comme le piano de Frédéric Schadoroff sur « Synchronicity ». D’autres fois, elles déambulent à l’instar de la clarinette basse sur « Si tu regardes ». Mais, d’un bout à l’autre, il s’agit d’un album subtil, empli de poésie, qui a fait l’objet de trois ans d’écriture. C’est peu surprenant de la part d’un musicien qui tient à sa liberté de création au point d’avoir monté Linoleum, son propre label.

Le disque se clôt avec « Zeit », poème musical et contemplatif, et « Le temps oublié », un délicieux salé-sucré où piano et clarinette se croisent et se recroisent en tissant un univers mélancolique. C’est simplement très raffiné comme l’ensemble de cet album que Laurent Rochelle a réalisé avec la précision d’un orfèvre.