Chronique

Lauroshilau

Live at Padova

Audrey Lauro (as, fx), Pak Yan Lau (p, elec, fx), Yuko Oshima (dms)

Label / Distribution : El Negocito Records

Lauroshilau est une enclise, autant dire un de ces pliages complexes dont on n’aperçoit que la surface et qui livre ses secrets à mesure qu’on le déploie. C’est le sentiment qui s’impose lorsqu’on pénètre dans ce Live at Padova, longue plage unique d’une quarantaine de minutes qui se décline en plusieurs vagues, plusieurs nappes qui se superposent sans heurts : un clavier-jouet et de l’électronique qui se désagrège vers un silence inéluctable, un saxophone alto aux anches sifflantes et des percussions qui ombrent davantage qu’elles ne colorent. Nous sommes, à l’invitation du label belge El Negocito Records, dans un univers parallèle, en pleine expansion, où le saxophone de la talentueuse Audrey Lauro peut en un instant tracer des montagnes infranchissables en s’extirpant d’une brume électronique délibérément plaquée au sol, pour faire masse avec la batterie de Yuko Oshima.

Lauroshilo est donc l’enclise de la saxophoniste Audrey Lauro, qu’on a pu entendre avec Grégoire Tirtiaux ou Guillaume Séguron à l’AJMI, de la percussionniste Yuko Oshima (fameux duo avec Eve Risser notamment), et de la pianiste et électronicienne Pak Yan Lau qui écume depuis de nombreuses années une scène improvisée très radicale (Chris Corsano, Akira Sakata). Soit l’alliance joyeuse de trois fortes têtes qui tournent pour la plupart autour de la riche scène de Bruxelles. C’est aussi un orchestre qui existe depuis de nombreuses années, après un premier album paru chez Creative Sources en 2013. Une musique à l’état gazeux, où le moindre détail peut renverser la table et faire partir le trio dans de nouvelles directions.

Car c’est bien d’un trio dont il s’agit, sans recherche d’individualité. Les musiciennes font corps, jusqu’à se fondre dans un seul corps sonore diablement compact, qui peut s’installer aux franges d’un silence souterrain, où les tintements des cymbales d’Oshima se mélangent tour à tour aux anches sous pression de Lauro et aux tintements du piano. Parfois, dans le dernier tiers du morceau, des vagues générées sur les peaux de la batterie viennent heurter quelques obstacles, un saxophone devenu plus incarné et acide par exemple. Mais ce qui compte, c’est bien la dimension et la dynamique collective, tout à la fois discrète et infime, tout en restant parfaitement radicale.

par Franpi Barriaux // Publié le 24 octobre 2021
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