Chronique

Le Tricycle

Le Tricycle

Jean-René Mourot (p, cla), Adam Lanfrey (b), Arthur Vofelt (dms), Michael Alizon (ts, 3, 9)

Label / Distribution : Momentanea

Repéré l’année dernière à l’occasion d’un premier disque solo qui témoignait d’une grande maturité, le pianiste Jean-René Mourot confronte cette fois son regard inventif et coloré à la formule classique piano - basse - batterie. Le flacon a la même fragrance : un disque court mais volubile, des morceaux en forme d’instantanés, autant de mondes en soi où les images défilent. La petite pluie aigrelette qui se propage main droite sur un ostinato feutré du contrebassiste Adam Lanfrey, au début de « Kyrielle », en est un un parfait exemple. Les couleurs se succèdent, d’abord pastel, puis de plus en plus contrastées à mesure qu’à la batterie, Arthur Vonfelt passe des balais à une frappe plus franche. Le propos est assuré, direct, volontaire. Il n’y a guère besoin de délayer, tout se fragmente en mélodies microcosmiques qui, enchâssées avec grâce, forment un tout cohérent.

On perçoit dans le toucher de Mourot la double culture qui faisait tout le charme de son premier album. Bien sûr, de nombreux morceaux rappellent sa formation classique ; « Denise », notamment, cache dans son spleen un orientalisme debussyen soutenu par une rythmique friable comme du sable. Mais sur un morceau comme « Achalandage N°7 Bis », on perçoit plutôt l’influence d’Eric Watson, qui fut son professeur, dans l’approche en clair-obscur et la relation quasi fusionnelle qu’il entretient avec son contrebassiste : leur rencontre n’est pas un affrontement sur la crête des cymbales martelées de Vonfelt, ce sont deux masses abrasives qui s’effleurent sans jamais s’amalgamer. Le jeu parfois tranchant de Lanfrey est, de loin, la bonne surprise de cet album. Qu’il frappe ses cordes avec autorité sur « Angry Men Blues » ou double d’électricité le clavier de Mourot sur « La Cour des miracles » quand le saxophoniste Michael Alizon vient rejoindre le trio, il est souvent celui qui s’empare du guidon...

Le Tricycle est le véhicule idéal de ce jeune trio en mouvement. Une formule à la fois stable et imprévisible qui sait s’offrir, sur des morceaux comme « Interduction » ou « Esquisse », des formes plus ouvertes qui demandent à être explorées à l’avenir. De l’avenir, il est évident que ces trois là en ont, et que leur monture franchira sans mal les premiers raidillons.