Loris Binot, Violaine Gestalder

Évoluant à la frontière du jazz de création et de la musique improvisée, le pianiste lorrain Loris Binot (dont nous avions apprécié ici même la formation Azéotropes) revient au disque dans une collaboration avec la saxophoniste Violaine Gestalder issue, quant à elle, du monde contemporain mais qui joue également avec Françoise Toullec ou encore Michel Doneda.

L’approche est bien évidemment totalement ouverte, pour autant, le travail sur la spatialisation des événements sonores de même qu’une recherche fine du timbre juste constituent en partie l’originalité de cet enregistrement. Sans chercher la confrontation dans le dialogue, les deux musiciens avancent au contraire dans une picturalisation (osons le mot) de leur propos. Dessinant, en effet, des paysages par strates mobiles et diaphanes, usant avec équilibre et à-propos d’un complément électronique, ils déréalisent entièrement le timbre du piano et en partie du saxophone pour créer deux objets chimériques à la fois doux et étranges.

Au cœur de cette météo sonore variable où gonflent des orages qui n’adviennent pas, le saxophone est aussi bien percussif que fureteur. Avec une droiture qui lui permet de prendre la lumière lorsqu’il émerge, il ne s’approprie pas le lead sans raison. Au contraire, complémentaire au piano, il joue de fragments, de micro-phrases jetées dans le jaillissement de l’instant. De son côté, également déformé, le piano prend une dimension lointaine, comme un écho métallique et donne une échelle plus vaste encore au paysage ainsi présenté.

Le duo fonctionne comme un flux qui s’alimente constamment de ces apports mais reste à une distance choisie du processus narratif. On dérive ainsi dans un état changeant, dans lequel l’auditeur peut être attentif aux moindres et nombreux détails neufs qui enrichissent l’échange comme se laisser emporter avec délice dans un monde glacé défait du mordant du froid et qui happe l’oreille sans la brusquer.