Chronique

Manu Carré Electric 5

Labyrinthe

Manu Carré (sax, comp), Aurélien Michel (g, comp), Nicolas Luchi (elb), Florian Verdier (kb), Max Miguel (dms), Félix Joveniaux (dms).

Label / Distribution : ACM Jazz Label

Par souci d’honnêteté, on reconnaitra que Manu Carré est un musicien dont on savait assez peu de chose jusqu’ici. Voilà un monsieur – saxophoniste, compositeur – dont le chemin est d’abord passé par la moitié nord de la France (on peut suivre sa trace dans l’Aisne, à Lille, à Valenciennes ou en région parisienne), et qui a fini par s’établir à Menton où il a créé la classe de jazz du Conservatoire, non sans avoir rencontré depuis son adolescence des musiciens très recommandables comme Yochk’o Seffer ou Jean-Marc Jafet, par exemple. Côté production discographique, on signalera Stand’In en duo avec le pianiste Philippe Seignez, ainsi que Réconciliabulle avec le Manu Carré Quartet ou bien encore Afrojazzimuts du groupe NAMU.

Et pour finir, un quintet à la tonalité résolument jazz rock, le Manu Carré Electric 5. Ce groupe dont le premier disque, Go !, a vu le jour en 2014, met à son programme un groove entêtant, incarnation d’une cohésion véritable où se mêlent les couleurs franches du saxophone ténor du leader, de la guitare électrique très rock d’Aurélien Miguel et des claviers de Florian Verdier, dont la dominante Fender Rhodes n’exclut pas d’autres couleurs renvoyant à l’époque, désormais lointaine, du rock progressif. Derrière eux, ou plutôt à côté d’eux, la basse bondissante de Nicolas Luchi et la batterie nette et précise de Max Miguel (auquel se substitue Félix Joveniaux sur deux compositions).

Labyrinthe, le nouveau disque de ce roboratif MCE5 – qui paraît comme son prédécesseur sur le label ACM – donne à entendre huit compositions offrant quasiment une heure de musique. Il est une invitation à évoluer dans les eaux claires, très lumineuses, d’un jazz-rock souvent mâtiné de funk. Pas une mélodie qui ne soit fignolée avec gourmandise, pas une seule intervention soliste qui n’exprime une fougue tranquille et une certaine idée du « bonheur d’être en musique ». Tout est en place, avec une précision qui jamais n’est démonstration. Par sa manière d’avancer droit devant elle, fière sans être altière, cette musique est d’une générosité sans question. Heureuse sans nul doute, comme le souligne l’ultime composition du disque, « Zen ». Et si toutes les compositions sont signées Manu Carré ou Aurélien Miguel, une complémentarité d’écriture qui fait écho à leur duo saxophone / guitare d’une remarquable efficacité, Labyrinthe est bien une œuvre de groupe. Difficile dans ces conditions de résister au plaisir de taper du pied ou de se laisser emporter par cette sédimentation d’influences qui nous réconcilie avec l’idée de jazz-rock, souvent associé à un manque de chaleur ou à la programmation d’Autoroute FM. Chez Manu Carré, au contraire, on aime réchauffer l’atmosphère, en se baladant du côté de « Honfleur » ou un sirotant un « Spritz ».

Si on osait un vilain jeu de mots, on se laisserait aller à dire que la musique de Labyrinthe est… carrée. Et puis finalement, on n’ose pas tomber dans les affres de la trivialité, parce qu’écrire dans un magazine est chose sérieuse et qu’il suffit peut-être de dire qu’il souffle du côté de chez Manu Carré un vent porteur d’une énergie tout autant bienfaisante que durable. C’est tout le mal qu’on souhaite en tout cas à son Electric 5.